STALAG IIB   HAMMERSTEIN,   CZARNE en POLOGNE

CAMP de PRISONNIERS de GUERRE 1939-1945 en POMERANIE


Antoine GOYON

matricule 79181

Ko 793




Informations transmises par
son petit fils Hervé GOYON

Mon grand-père, Auguste Antoine GOYON (prénom usuel Antoine), né à Saint-Etienne, en mai 1908, a été mobilisé en septembre 1939, pour partir à la guerre, avec le 238ème RI de Saint-Etienne. Il laisse derrière lui, sa femme enceinte, son fils âgé de bientôt 6 ans
ll a été prisonnier le 23 juin 1940 à Willer sur Thur, une petite commune près de Mulhouse, Haut-Rhin.
On l'a transféré au camp de prisonniers de l’usine Schlumberger à Mulhouse, puis envoyé au Stalag IIB à Hammerstein (Czarne). Matricule : 79181.

Au cours de sa captivité et jusqu'en janvier 1945, il a travaillé dans un Kommando agricole portant le N° 793 à Stepen (Stepien aujourd'hui) en Poméranie Occidentale
Mon grand-père m'a peu parlé de ses conditions de vie et de sa détention. Il a montré une résilience évidente.
Je ne l'ai pas souvent interrogé, car je ne voulais pas lui rappeler des moments tristes et compliqués.
J'ai cependant eu la chance de trouver dans les archives familiales :

Un carnet, qu'il a nommé « Campagne 1939-1940 », qui décrit, jour après jour, ces journées de guerre, jusqu'à sa capture.

La plupart de sa correspondance avec ma grand-mère Rosine et son fils Jean (mon père) pendant sa captivité à STEPEN.



En parcourant ces documents, j'ai voulu savoir, plus précisément, ce que fut la vie des détenus durant cette période sombre de notre histoire, et par ailleurs celle de mon grand-père.
En avril dernier 2024, je suis allé à CZARNE et STEPIEN pour finir mes recherches sur ce que mon grand-père avait vécu pendant la captivité et la déportation.
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Le site stalag2b.free.fr, conçu par Madame POUPEAU, m'a permis de répondre à de nombreuses questions.
Je tiens donc à la remercier avec reconnaissance.
J'ai donc lu beaucoup sur ce site internet. J’ai découvert ce qu'était le Stalag II B et comment il fonctionnait, j'ai compris la douleur de ces hommes détenus, j'ai surtout compris la censure nazie,

en comparant le témoignage de Monsieur Antoine MASSACRIER avec les lettres que mon grand-père envoyait à sa femme, alors qu'il transitait avec lui, sans doute dans les mêmes conditions, à l'usine Schlumberger à Mulhouse.

Exemples :
Lettre d’Antoine Massacrier à Rosine le 28/06/1940
Ma petite femme chérie, mes petits Jeannot et Annie chéris,
Tu as dû savoir par ma précédente lettre que j’étais prisonnier. Ne tire pas peine, je vais bien et nous ne sommes pas mal. Je ne pense pas que ça dure longtemps, en attendant, soignez-vous bien et ne vous en faites pas. Je ne peux pas mieux t’en dire. Je vous embrasse fort, à bientôt mes chéris.
Antoine.

Lettre d’Antoine à Rosine le 07/07/1940

Ma petite femme chérie, mes petits Jeannot et Annie chéris,
Que de mauvais sang as-tu dû te faire ma petite Sine ?
Je ne suis que prisonnier ma petite chérie, la santé est bonne et je pense qu’il en est de même auprès de vous 3, ne vous en faites pas, car je pense qu’il n’y en a pas pour longtemps d’être près de vous. Il ne m’est pas permis de vous en mettre plus. Nous ne sommes pas mal, ne tire pas peine.
Votre petit chou qui vous aime et vous embrasse bien fort et vous dit à bientôt.
Antoine
Voici mon adresse : Sergent Goyon 238 RI – 12ème cie – 3ème Bataillon
Camp de prisonnier Usine Schlumberger à Mulhouse (Ht Rhin)

Lettre d’Antoine à Rosine le 08/07/1940

Ma petite femme chérie, mes petits Jeannot et Annie chéris
Je pense que tu auras reçu de mes nouvelles, c’est la 4ème lettre que je t’écris d’ici. Je vais toujours bien et je pense que vous allez bien aussi mes chéris. Nous ne sommes pas mal et nous pensons bien ne pas y rester trop longtemps. Soignez-vous bien et ne tire pas peine ma petite Sine. Jeannot tu feras une grosse bise à notre petite Annie pour moi. A bientôt ma petite Sine, en attendant prend patience et courage. Je vous embrasse de tout coeur.
Votre petit chou qui vous aime.
Antoine

Lettre d’Antoine à Rosine le 10/07/1940
Ma petite femme chérie, mes petits Jeannot et Annie chéris
Je pense que tu auras déjà reçu de mes nouvelles, et je pense avoir des vôtres bientôt, car à ce qui parait que le service postal est rétabli.
Nous passons une assez belle vie de prisonnier et je ne pense pas qu’on le soit longtemps – donc ma petite chérie ne te fais pas de mauvais sang pour moi, soignez-vous bien. Tu me donneras des nouvelles de Pierre, je suis avec un de ses copains, Pinaud et ne sait pas où il est. Je ne peux pas t’en mettre plus, il ne faut pas dépasser 10 lignes et ça se comprend car la censure a trop à faire.
Je vous embrasse bien mes chéris et à bientôt.
Antoine

Lettre d’Antoine à Rosine le 15/07/1940
Ma petite femme chérie, mes petits Jeannot et Annie chéris
Je pense ma petite Sine que tu as reçu de mes nouvelles et que tu n’es plus dans l’inquiétude, je pense que vous êtes tous 3 en bonne santé, quant à moi ça va toujours bien. On trouve bien un peu le temps long, mais enfin je ne pense pas que ça dure bien, aussi ma chérie, fais comme nous prends patience, nous ne sommes pas mal. Le neveu de Madame Rivière est avec moi et l’on se tient un peu compagnie quoique je suis avec tous les copains. Ma petite chérie on peut recevoir les mandats et tu pourrais risquer de m’envoyer 100 fr, ça me permet d’acheter quelques suppléments à la nourriture. Dans l’espoir que bientôt nous serons ensemble. Recevez mes petits chéris mes plus doux baisers. Jeannot, fais une grosse bise à notre petite Annie.
Antoine
238 RI – 12ème cie – 3ème Bataillon
Camp de prisonnier Usine Schlumberger à Mulhouse (Ht Rhin)

Lettre d’Antoine à Rosine le 18/07/1940
Ma petite femme chérie, mes petits Jeannot et Annie chéris
Je pense que tu as reçu mes précédentes lettres et que vous allez tous trois bien mes chéris, quant à moi la santé est toujours très bonne pour le moment, on trouve bien le temps un peu long, mais on espère que bientôt ce sera fini et que l’on rentrera chez soi, on prend patience. Enfin ma petite Sine ne tire pas peine, je suis prisonnier comme presque tous mes camarades, hélas ! ce n’est pas tous qui ont eu cette chance. Nous ne sommes pas mal, et les Allemands ne nous traitent pas comme des prisonniers, bien au contraire, donc ne t’en fais pas. Je pense que mon petit Jeannot va toujours à l’école et qu’il va être bientôt en vacances. J’espère bien y être avant qu’elles soient fini. J’attends de tes nouvelles ma chérie. Il y a 1 mois ½ que je n’en ai pas eues, mais je ne tire pas peine.
Recevez les chéris de grosses bises de votre chou.
Antoine.

En comparaison avec le récit de monsieur MASSACRIER,
les lettres d'Antoine


C'était le 20 juin 1940, jour de l'armistice, une chaleur torride. Nous arrivons le soir, exténués, à Mulhouse.
L'usine Schlumberger, vidée de toutes ses machines de filature, sera notre cantonnement pour 40 jours de faim, de misère, entre quatre murs, couchant directement sur le ciment.
Comme récipient pour aller à la soupe, je n'ai que mon quart militaire, deux fois par jour. C'est un peu d'eau trouble c'est-à-dire pas grand-chose. Dans la cour, à notre arrivée, il y avait des orties le long des murs et un gros cerisier.
Mais, à notre départ, il n'y avait plus d'orties, de même que des feuilles à l'arbre. Nous avions tout dévoré.
Deux ou trois fois, la Croix-Rouge nous avait distribué un morceau de pain qui était apprécié à sa juste valeur.
Encore une fois, nous nous étions retrouvés avec Aimé Couturier, Jean Roche de Saint-Bonnet, Gourbeyre, Jean-Marie de Courreau, Rougeot mon ancien équipier de Montluçon et quelques bons camarades.
Nous étions tous tiraillés par la faim. De temps en temps, quelques Alsaciens gonflés se risquaient jusqu'au portail, mais refoulés aussitôt par les sentinelles.
Pourtant, j'ai vu une femme qui nous portait un morceau de pain forcer la sentinelle à reculer alors qu'il voulait lui enfoncer la baïonnette dans le ventre. Il n'osa pas et recula.
Bravo, chère Alsacienne.
Nous n'avions rien à faire qu'à broyer du noir. De tous côtés, c'était une pluie de bobards, tous plus invraisemblables les uns que les autres, jusqu'à aller en Allemagne pour se faire démobiliser. Toujours dans l'incertitude, les journées étaient longues...
On nous disait que les Allemands allaient démobiliser les Alsaciens et les enrôler dans leur armée. Ce qui s'avéra vrai par la suite. Pendant 40 jours, ce fut une terrible épreuve. La faim, le moral à zéro.
Tout autour de l’usine, on voyait des mitrailleuses. Sur les balcons et même sur les toits.
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Afin d'agrémenter et de compléter le site de Madame Poupeau, je vous fais parvenir ci-après :

Le carnet d’Antoine « campagne 1939-1940

Quelques correspondances échangées entre Antoine et sa femme et son fils.

Quelques photos d’Antoine
Je souhaite que ces documents et ces renseignements puissent être utiles à d'autres descendants de prisonniers de guerre.
(Les mots d’Antoine, ses tournures de phrase, les fautes d’orthographes, de syntaxe, de grammaire ont été laissées volontairement).


Départ de St-Etienne le 14/09/39, pour St-Didier au Mont d’Or, nous débarquons à Francheville le même jour et commençons notre calvaire en nous tapant les 20 km séparant Francheville de St-Didier, avec tout notre « barda » en prime, on y arrive tous à la queue leu-leu en pleine nuit et avons grand-peine à trouver notre groupe pour coucher.
Enfin, pendant quelques temps, ce fut la bonne vie : quelques exercices, quelques petites marches et les dimanches, nous avons la satisfaction d’aller voir nos familles avec de fausses permissions, le lundi il y a bien les menaces de notre « cher adjudant », mais nos femmes et nos enfants avant tout !

Hélas, nous ne devions pas rester longtemps tranquilles, car le 23/10 nous partions pour la Savoie, et alors que nous pensions faire le voyage en chemin de fer, il nous faut déchanter, nous faisons toute la route à pied, pendant neuf jours.
Nous cantonnons dans quelques villages que je note au hasard. Francheville, traversons le Rhône à Vernaison, Nivolas-Vermelle, Bonnefamille (nom flatteur, mais de triste mémoire, car toute la nuit, nous l’avons sauté de froid), la Bâtie Mongascon (nous couchons chez de braves gens), passons le tunnel du chat, couchons au Tremblai, le lendemain, dernière étape, défilons devant notre Général à Chambéry (temps affreux, neige, pluie, sommes piteux, la fanfare joue, l’armée est belle !)

Arrivons aux Marches, à une douzaine de kilomètres de Chambéry, le jour de la Toussaint.
Nous cantonnons dans un cinéma ; repos de 2 jours bien gagné après les 200 km de marche que nous venons de faire. Pendant près d’un mois, nous sommes occupés à quelques exercices de peu d’importance, nous jouons au football, faisons quelques marches, faisons les vendanges, etc.
En somme, nous ne faisons rien de bien utile pouvant nous faire croire que nous sommes en guerre.

Nous quittons ce beau bourg des Marches le 27 novembre à minuit pour embarquer à Montmeillant à quatre heures du matin. (Je note ici une bonne cuite de Pierrot). Nous débarquons à Pontarlier le 28 à 8 heures du soir. Il fait un temps froid, un peu de neige, nous allons cantonner à 12 km de la gare, à Sainte-Colombe pour y rester deux jours et deux nuits, nous couchons dans les granges et nous y grelotons toute la nuit.
Le 1er décembre, nous prenons la route de Pontarlier, et allons cantonner aux Granges Tavernier, sur le bord du lac St-Point, à une douzaine de kilomètres de Pontarlier. Nous sommes assez bien couchés, dans la grange toujours, les gens chez qui nous logeons sont assez gentils avec nous.
Le vin est très bon, et le premier soir de notre arrivée est immanquablement un soir de cuite. Pierrot Voisin et moi-même, avons toutes les peines du monde à remonter l’échelle de notre « perchoir ».

Nous faisons quelques travaux : tranchées, pose de barbelés, etc. jusqu’au 17 décembre où nous redescendons jusqu’à Pontarlier et allons cantonner à Bannans.
Ce déplacement de 25 km nous fut très pénible à cause du froid. Il a neigé, la route est si glissante que l’on dirait un miroir, à chaque instant les hommes tombent, ainsi, c'est harassé que nous arrivons à Bannans.

Ici, nous sommes bien logés, et pour la première fois, je couche dans un lit. Un grabat plutôt, mais enfin, c'est mieux que la paille. Comme travaux ? Peu de choses, quelques exercices, plat ventre par-ci, par là, bêtises militaires en somme, nous allons couper du bois, passons les fêtes de Noël et du jour de l’an et le 19 janvier, changeons de cantonnement et montons aux Granges S/ la Roche (Je note en passant ma perm de 10 jours du 9-1/40 au 22-1/40).

Je retrouve ma Cie dans un bien triste état, à 1200 m d’altitude, il n’y a que deux maisons et 1 seul habitant.
Nous y gelons, sommes très mal cantonnés dans une écurie lézardée de tous côtés, on voit le jour et le froid rentre comme chez lui, pourtant à cette époque il fait 30 à 32° au-dessous de zéro, c’est incroyable et pourtant nous résistons.
Le sous-sol de l’écurie est constitué, chose que je n’avais jamais vu jusqu’ici, par une fosse à purin, donc c’est là-dessus que nous couchons, seulement isolés par quelques centimètres de paille, aussi il y a beaucoup d’humidité, et ça sent de mauvaises odeurs. Il nous est même arrivé le jour de dégèle d’être complètement inondés en pleine nuit.
Enfin, ici nous commençons à faire du travail utile, mais pourquoi avoir attendu 5 mois et le mauvais temps surtout, pour faire des casemates de 1ère ligne ? alors que jusqu’à présent nous n’avons rien fait !
Que quelques exercices et marches n’ayant aucun rapport avec la guerre que nous devons faire ?
Notre Cie à 5 casemates à faire pour elle, c’est assez intéressant comme travail, nous faisons pèter la mine, d’autres s’occupent de la charpente, chacun met l’ardeur qu’il doit, mais nous sommes très gênés par le froid, - 28 à – 30°. Nous mangeons dehors, toutes nos victuailles sont gelées et le vin aussi, bien entendu.
Enfin le temps passe, nos travaux s’avancent. Le 4 mars, je suis désigné pour suivre le peloton d’élèves S/off à Doubs.
Nous partons le 5, Lotier, Abrial et moi ; pendant 6 semaines nous faisons des exercices divers nous rappelant notre active, surtout le plat ventre et l’ordre serré, c’était très utile à connaitre pour faire la guerre !!
Le 28 mars je pars en perm exceptionnelle, pour la naissance ma petite fille Annie chérie, je rentre le 2 avril et continue les cours de S/off jusqu’au 28 avril, puis nous remontons retrouver notre Cie qui pendant tout ce temps s’est déplacée et se trouve cantonnée aux Granges d’Agneaux au-dessus des Verrières sur le flanc de la montagne du grand Taureau (1375 m).
Ici nous posons des barbelés, nous occupons nos positions, ici aussi commence les patrouilles de nuit et le 10 mai lors de la grande attaque de la Hollande et de la Belgique, sommes en état d’alerte ; perm supprimée etc.
Nous sommes alertés le 14 mai à une heure du matin pour changer de secteur. Branlebas de combat, restons toute la journée du 14, prêts à partir, et le soir, l’ordre de se mettre en route n’étant pas encore arrivé, rejoignons notre cantonnement et attendons le lendemain matin pour partir.
Départ à 6 heures du matin, arrivons à 11 h à Maison du Bois, soit 22 km, sommes épuisés par tout l’équipement et les munitions au complet que nous traînons, et couchons ici.
Le lendemain matin, oh ! pauvre France ! au lieu de continuer la route, un ordre, ou plutôt un contrordre étant arrivé, nous rebroussons chemin et rejoignons les Granges d’Agneaux.
Nous remontons la dure côte et recommençons notre vie habituelle.
Pas tout à fait cependant, car nous sentons cette fois que nous sommes en guerre et chaque jour nous apporte de grandes déceptions, aucune victoire française, avance continuelle des troupes allemandes, on sent que notre tour approche. Nous faisons des barrages anti tanks, coupons de gros sapins à cet usage et le 21 à 14 heures, sommes de retour alerté, nous nous équipons en vitesse et à 8 heures du soir nous quittons pour de bon cette fois-ci les Granges d’Agneaux, reprenons la même route que le 14, seulement nous ne nous arrêtons pas à Maison du Bois, allons cantonner à la Chaux, étape très dure, plus de 40 kilomètres.

Les hommes sont harassés, et il en arrive toute la journée du 22, pour ma part, j’ai trouvé un camion, car mes pieds sont en compote et je n’aurai jamais pu arriver par mes propres moyens, restons une nuit ici et le 23 au soir allons embarquer à 5 km d’ici à Gillet, toujours dans le Doubs à côté de Morteau.
Débarquons le 24 à Montreux le Vieux à 8 heures du matin, allons cantonner tout près pour déjeuner (Nous sommes dans le Haut Rhin)
Le soir vers 8 heures, nous reprenons la route en Direction du Rhin (ça sent pas bon) assistons à un barrage d’artillerie.
Chacun de nous ne dit pas ce qu’il pense. Nous obliquons vers la gauche et allons cantonner au pied des Vosges, à Aspach le Haut.
Cette étape fut une des plus longues que nous ayons fait, 47 km. Beaucoup sont restés en route et je m’étonne d’avoir pu la terminer moi-même, nous avons marché pendant plus de 12 heures. Nous ne sommes pas beau à voir et nous n’avons d’autres envies que d’aller nous allonger dans le foin.
Le lendemain nous commençons quelques travaux (tranchées et abris), les gens sont très gentils pour nous.
Je couche dans une mansarde en compagnie de Pierrot et de Sagnol.
Nous faisons des tranchées antitanks, nous saccageons les champs de blés, de pommes de terre, etc...
C’est dégoutant, des paysans pleurent leurs récoltes, que nous hachons, et pourtant nous n’y pouvons rien.
Le 2 Juin, alors que nous sommes un bataillon en plein champ en train de creuser un fossé anti char, les avions allemands nous survolent et vont surement bombardés la France.
Mais nous sommes bombardés à notre tour, 2 torpilles de 500 kilos tombent à 150 m de nous. Jamais je n’ai vu la mort d’aussi près ni jamais je n’ai vu une chose aussi démoralisante.
Je pense à mes camarades des Flandres qui eux sont sous le feu depuis bientôt un mois.
Enfin, personne n’a été touché, seulement 2 hommes ont été égratignés.
Après cet incident, il est décidé que nous ferions les travaux de nuit, nous sommes plus tranquille la nuit, mais c’est un peu plus fatiguant. Nous continuons le « saccage », jusqu’au 8, où nous sommes alertés, nous partons à 10 H du soir pour aller prendre position près de Mulhouse, étape de 30 km, arrivons le lendemain matin exténués à 7 H, travaillons toute la journée pour faire nos positions et repartons le soir pour revenir sur nos pas, et continuons à Uffholtz mais pas pour se reposer, il faut  vivement faire nos positions, les hommes n’en peuvent plus, tout le monde en a marre, on ne comprend rien à ce que l’on nous fait faire, les chefs de section eux aussi sont fatigués et il en est même qui sont restés en route, enfin la journée se passe sans incident et contrairement à ce que nous pensions, nous ne partons pas le soir nous cantonnons ici.
C’est un charmant village, et je n’oublierai jamais de l’hospitalité qui nous a été donné, partout en Alsace d’ailleurs. Mais ici aussi, nous devions faire du saccage, il a fallu organiser la défense du village, alors les routes ont été changées en tranchées anti chars, ainsi que les beaux jardins. On ne respecte même pas un arbre chargé de fruits. Les gens n’osent pas nous crier la peine que nous leur causons, au contraire, ils nous apportent à boire plus qu’on en veut, ils savent que ce n’est pas nous qui le voulons, mais comme nous ils savent aussi que ça ne servira à rien, qu’il est trop tard.

C’est en retournant un jardin le 13 juin, que j’ai eu la grande surprise de voir mon bon ami Pierre Lachal, qui faisait étape à Uffholtz lui aussi. Notre joie fut sans égale, toute la journée nous avons été ensemble et nous l’avons bien employée, le soir nous nous sommes quittés et 8 jours plus tard nous devions être sous le feu. (Aparté : Aujourd’hui ce 29 – 12/40, jour où je relève mes notes sur ce carnet, j’ai sous les yeux ta lettre Pierre que j’ai reçu hier et qui vient de France. Je te savais blessé et j’ai été très heureux de te savoir auprès des tiens, dans ton malheur tu as eu de la chance, car tu es libre, tandis que moi, nous plutôt, nous sommes toujours derrière les barreaux, et quand en sortirons-nous ?)

Le 9 juillet, nous devons quitter Uffholtz, il y a quelqu’un hier qui a murmuré que nous étions encerclés, mais ce n’est pas mort ! d’après ce que nous dit le lieutenant, et pourtant c’était évident, nous devions en être certain le lendemain.
A huit heures du soir, nous partons donc et prenons la route des Vosges.
Montée pénible à travers les cols, nous passons par le Viel-Armand, à la croix imposante. Nous arrêtons devant le Hartmannswillerkopf, cimetière de nos frères de l’autre guerre y sont ensevelis, en ce moment mes pensées vont vers eux. Nous foulons le même sol qu’eux, allons-nous nous battre comme eux ? Oui et non, nous ne faisons plus la même guerre.
Enfin, après avoir marché toute la nuit en direction du Grand Ballon, nous cantonnons vers 6 heures du matin, dans un bois, dans d’anciennes tranchées de 14-18, trouvons des éclats d’obus, même un obus de 73-77 non éclaté, des barbelés, etc… tous les vestiges de l’autre guerre en somme, et dire que d’un instant à l’autre on va se bagarrer alors que les tranchées de grande guerre sont à peine éboulées !! Nous passons toute la matinée assez tranquille, des avions allemands passent sur nous continuellement et doivent aller bombarder le centre de la France, mais on a plus besoin de nous dire de nous camoufler. A midi, nous mangeons sur place, puis tout à coup à 2 heures, 2 camionnettes, il faut partir vivement d’ici, le Commandant est ici aussi, il a l’air très grave.
On monte donc en voiture en nous descendons sur Bitschwiller que nous traversons.
De tous côtés le Génie est occupé à préparer les mines pour faire sauter les ponts on se demande bien ce qu’il se passe. Enfin après avoir roulé quelques kilomètres encore, nous arrivons à Wesserling au pied du col de Bussang, c’est là que nous allons cantonner. Une section, celle de Bonnet, est désignée pour monter la garde la nuit, les autres vont s’installer dans une carrière.
Une fois débarrassé de notre équipement, nous sortons dans le village et cherchons un bistrot pour casser la croute et pour manger le dimanche.
C’est à ce moment que nous voyons déferler des colonnes toujours grossissantes de troupe à la débandade. Nous les questionnons, ils viennent d’un peu de partout de la Moselle. Ils ont essayé de passer par la route mais la route est coupée, les allemands y sont, il n’y a plus qu’une ressource, passer, s’il est encore temps, par Belfort.
C’est à ce moment que nous nous rendons bien compte que nous sommes encerclés. Toute la nuit et tout le lendemain, il est passé ainsi de la troupe qui se sauvait. Je pense qu’ils ont dû réussir à passer, mais nous nous posons la question ? Pourquoi ? Alors que toutes les troupes de l’Est se sauvent en pagaille vers Belfort et le Centre de la France, pourquoi notre division qui se trouvait tout près de Belfort, la fait-on monter en sens contraire de ceux qui se sauvent ? Pourquoi nous donne-t-on l’ordre de résister le 19 juin alors que les pourparlers d’armistice sont engagés depuis le 17 ; et puis pourrions-nous résister ! avec le moral et l’armement que nous avons !
Pourquoi est-il permis à des troupes de se sauver et pourquoi en envoie-t-on d’autres se faire faire prisonniers ??  Enfin le 17, ma section vient occuper sa position, nous faisons face à Willer, petit village à 2 km de nous, nous faisons nos emplacements, creusons quelques trous d’hommes et installons la toile de tente, car à partir de ce moment-là il nous faut coucher dehors : les routes sont toujours encombrées de troupe qui se sauvent, on entend le canon dont le bruit se rapproche de plus en plus de nous.
Les jours d’anxiété sont mis à profit et les bistrots ne chôment pas, il n’y a que quand on a un peu… chaud qu’on n’a pas le cafard.
Le 18, un avion allemand nous survole et nous lance des quantités de tracts, nous conseillant de ne pas résister si nous ne voulons subir le sort de nos camarades de Flandres. Des camarades sont mêmes mitraillés mais personne n’est touché.
Le canon s’est arrêté et des civils nous disent que l’armistice est signé, on est heureux mais pas pour longtemps, car le soir le canon se fait entendre de bien plus près. La nuit se passe sans incident, on s’attend à tout moment de voir surgir l’ennemi, mais rien.
Le mercredi 19 on apprend que les allemands sont à Thann à 12 km de nous. Des troupes venant de combattre se replient sur nous et finissent de nous démoraliser en nous disant qu’il est inutile de résister, que nous serons tous massacrés. Enfin nous passons une autre nuit bien anxieuse, mais se devrait être la dernière.
Le lendemain matin le canon gronde à Thann, à  3 heures les obus tombes sur Willer, les troupes qui s’y trouvent se replient sur nous, mais vers les 5 heures du soir c’est à notre tour d’y passer, les obus nous tombent dessus, toutes les armes se mettent à crépiter, avec mon groupe et celui d’Abrial nous nous replions sous de grands arbres croyant être à l’abri mais hélas, c’est là qu’il en tombe le plus, nous nous replions toujours et sautons par une fenêtre d’usine, nous nous trouvons ainsi à l’abri, nous nous comptons, nous sommes 8 ; dehors, le combat dure toujours mais pas pour longtemps, bientôt on n’entend plus de bruit, il est d’ailleurs nuit, nous nous faisons bien petit dans notre cachette mais ici nous sommes comme dans une souricière nous ne pouvons plus sortir sans être fait prisonniers.
Nous passons ainsi, 3 jours et 3 nuits, mais la faim et la soif nous obligent et c’est ainsi que le 23 juin nous fûmes faits prisonniers.
Pendant ce temps, le reste du régiment et les troupes des Vosges furent fait prisonniers. Nous fûmes conduits à Bitschwiller puis à Mulhouse, où nous passâmes 1 mois et ensuite direction de l’Allemagne (fini à STEPEN ce 4 – 2 – 41)
 


Quelques courriers d’Antoine Goyon à sa femme ou son fils.


1940

Lettre du 15/08/1940

Ma petite femme, mes petits Jeannot et Annie chéris,
Je pense que tu auras reçu déjà de mes nouvelles. Je vais toujours bien, nous travaillons et nous sommes bien, donc ne te fais pas de mauvais sang pour moi, j’espère que vous êtes en bonne santé, embrasse bien mes deux petits chéris pour moi et dis à Jeannot que j’espère être très bientôt à la maison.
Prends patience ma petite chérie et garde courage. Soignez-vous bien. Donne bien le bonjour à tous les amis. Recevez mes petits chéris de grosses bises de votre petit chou qui espère vous revoir bientôt.

Antoine. Sergent Goyon, prisonnier Matricule 79181 Stalag II B (Allemagne)

Lettre du 22/09/1940 (reçue le 27/10/1940)



Ma petite femme, mes petits Jeannot et Annie chéris
Aujourd’hui nous avons droit à une grande lettre, aussi je serai un peu plus longtemps avec vous mes chéris. Je pense que vous allez bien et que mes petits choux grandissent toujours bien, ma petite Annie doit être drôle et je ne la reconnaitrai plus quand j’arriverai, quant à mon petit Jeannot, il doit se faire bien grand et j’espère qu’il se fait toujours raisonnable et qu’il t’aide bien ma petite Sine, ses vacances se terminent et doit bien m’attendre. Dis-lui ma petite Sine qu’il ne désespère pas, que bientôt je serai près de vous. Et toi ma petite Sine, j’espère que tu ne te laisses pas aller, soit toujours courageuse comme tu l’as toujours été et je ne pense pas que notre séparation soit bien longue. Je n’ai toujours pas eu de vos nouvelles, je pense en avoir cette semaine, car les copains en ont reçu ce matin ainsi que des colis. Ça nous a remis le cœur en place de voir que les nouvelles de St Etienne arrivaient. Je te dirai que nous travaillons toujours, nous sommes 10 copains, nous arrachons des pommes de terre dans une grande ferme. Nous sommes bien et le temps passe assez vite et lorsque j’aurai de vos nouvelles, ça ira encore mieux. Il doit y avoir pas mal de nouveaux à la Talaud et de bien tristes évidemment ? J’espère que tu n’es pas trop dans le besoin et que mon mois court toujours. Enfin, mes petits chéris, soigniez-vous bien et ne tirez pas peine de moi, envoie-moi un colis par semaine selon que tu as droit. Recevez mes plus doux baisers, Jeannot fait de grosses bises à Annie et à la maman pour moi et ne t’ennuie pas, bientôt je serai près de vous. Bonjour à tous les amis.
Antoine.

Lettre du 08/12/1940

Ma petite femme chérie, mes petits Jeannot et Annie chéris.
Aujourd’hui, je pourrai parler plus longuement avec vous mes chéris. Laissez-moi vous dire que je vais toujours bien, et j’espère qu’il en est de même auprès de vous trois. J’ai reçu aujourd’hui un colis où tu m’as mis un joli pullover, un passe-montagne et un gros cache-nez, et aussi à manger, merci ma petite Sine, ça fait le 10ᵉ jusqu’à présent que je reçois. Je n’ai rien à dire, car ce n’est pas tous qui les reçoivent si bien, merci ma petite Sine, mais surtout, ne te prive pas pour m’envoyer, car nous n’avons pas trop à nous plaindre. Jusqu’à présent, j’ai reçu 7 lettres de toi, mais je n’en ai reçu aucune de celles de Mulhouse. Enfin, je suis heureux de savoir qu’à cette époque tu as eu de mes nouvelles, car je ne pensais pas que les lettres que je t’écrivais de Mulhouse te seraient parvenues. Enfin, ma petite chérie, prends courage et sois comme moi, garde bon moral, chaque jour qui passe nous rapproche et j’espère bien que l’année qui vient verra une décision à notre sujet. Je suis heureux de savoir que mon petit Jeannot apprend bien. J’espère qu’il me fera quelques lignes sur une prochaine lettre. Et ma petite Annie, je serai heureux de la voir en photo. Tu me dis qu’elle est si jolie et bientôt, elle marchera toute seule. Enfin, soignez-vous bien et gardez-vous du froid. Ici, il ne fait pas encore mauvais temps et nous souhaitons que ça dure. Je suis très heureux de savoir qu’Adrien est en Suisse. Il doit être assez bien, je tirais peine de lui. J’espère que tu pourras me donner des nouveaux de ceux de la Talaud, comme Etienne Pacalet et d’autres. Hélas ! il doit y avoir des manquants. Remercie bien chez Robert pour moi de ce qu’ils te font et donne bien le bonjour aux amis. Recevez mes petits chéris, de votre petit chou qui ne cesse de penser à vous, ses baisers les plus doux. (Mets-moi un petit savon).
Antoine.

1941

Lettre du 26/01/1941

Mon petit Jeannot Chéri.
C’est avec un grand plaisir que j’ai reçu ta carte du 1ᵉʳ de l’an et à mon tout, je te souhaite ainsi qu’à notre petite Annie une bonne et heureuse année et une bonne santé. Je pense bien que bientôt je serai auprès de vous mes petits choux. Je vois que tu as fait de grands progrès à l’école, continue mon petit Jeannot, et la maman me dit que tu l’aides bien à soigner la petite sœur, tu es bien sage. Aussi, je te récompenserai que je viendrai. A bientôt mon petit chéri, fais de grosses bises à Annie et à maman pour moi et ne t’ennuie pas. Ton papa qui t’embrasse bien des fois.
Antoine


Lettre du 13/04/1941

Ma petite femme chérie mes petits Jeannot et Annie chéris
Aujourd’hui, je pourrai écrire plus longuement avec vous mes chéris. J’envoie aussi une carte à mon Jeannot, je pense que vous allez bien. Quant à moi, la santé est bonne, ainsi que le moral, on attend toujours la classe et on espère bien la voir arriver au moins cette année. Je suis toujours dans la cambrousse à faire le paysan, le temps passe plus vite qu’au camp. Je pense, ma petite Sine que tu ne manques de rien. Avez-vous du pain suffisamment ? Avec le beau temps, il y aura des légumes au jardin. Enfin, je ne tire pas trop peine de vous à ce sujet, du fait que tu me dis sur tes lettres que tu ne souffres pas de rationnement. J’ai reçu tes 2 colis de février, et aujourd’hui ta lettre du 24 mars, jour anniversaire de notre petite Annie chérie. Elle doit se faire de plus en plus drôle et bientôt, elle marchera. Jeannot doit bien s’amuser avec, et cela doit te faire trouver le temps moins long, ma chérie. Oh ! Tu sais, il ne se passe pas une nuit sans que je sois avec vous, et l’on est heureux le soir d’aller au lit, où on s’endort pour aller en France, en rêve bien entendu, mais on est content quand même. Sur une de tes lettres que j’ai reçues dernièrement, tu me disais que l’on parlait beaucoup de nous en France. Tant mieux, à ce sujet ici, on parle de certains cultivateurs renvoyés. Si c’était officiel en France et que tu le saches, tu me ferais faire un certificat par le maire et tu me le mettrais dans une lettre, mais je crois que ce sont des bobards comme on en a trop entendu. Dans un prochain colis, tu voudras bien me mettre un foulard et deux mouchoirs, et si tu pouvais me trouver une paire de pantoufles pour l’été. J’espère que monsieur Rey s’est bien occupé des asperges et qu’il a un peu nettoyé le jardin. J’ai été fort étonné en apprenant qu’il y avait tant de prisonniers à la Talaud. Dis-moi ce que Jean Lachal est devenu et Jean Fauvet ? Enfin ma petite Sine, garde le courage et bon moral, j’espère que bientôt, on sera ensemble avec nos petits choux. Reçois de ton petit Nounou qui t’aime follement mille grosses bises, embrasse bien mes petits choux pour moi.
Antoine.

Lettre du 20/04/1941

Ma petite femme chérie mes petits Jeannot et Annie chéris
J’ai reçu avant-hier ta lettre du 28 mars et ta carte du 3 avril. J'ai été très content d’avoir de vos nouvelles. Je comprends ma petite Sine que tu dois être bien fatiguée le soir avec notre petite poupée, car si elle est si grosse, elle doit être lourde à porter, heureusement que bientôt, j'espère, elle marchera et qu’elle pourra se promener avec son Taty, ils doivent faire une jolie paire tous les deux et je serais content de les voir faire. Soigne-la bien cette petite sœur Jeannot ! de façon que je vous trouve tous les deux bien grands quand j’arriverai. Et toi ma petite Sine chérie, soigne-toi bien aussi, il ne faut pas te tuer au travail et surtout bien te nourrir. Je te le redis, ne cherche pas à faire des économies. D'ailleurs, que vaut et que vaudra notre argent dans l’avenir ? Personne ne le sait évidemment, mais nous sommes tellement dans de jolis draps, qu’on peut tout imaginer. Je pense que tu as trouvé quelqu’un pour travailler le jardin, Fais faire beaucoup de haricots et mets en conserves pour l’hiver prochain, Peut-être en mangerais-je de ceux-ci. Fais bien nettoyer les asperges, car elles devraient donner à présent. Je pense que Béal pourra faire quelques légumes et planter les pommes de terre que Pierre t’a donné. Ah ! j’y pense et j’en parle souvent de mon jardin… Ah ! On en fait des projets pour quand nous serons libres. En attendant, le temps passe et la classe approche de jour en jour. On s’en aperçoit pas, mais le temps passe et on vieillit. Cette semaine, j'aurai 33 ans. Enfin, le moral ne fléchit pas pour ça. En ce moment, on prépare la plantation des pommes de terre, ici, on ne fait que ça et du seigle dans les 1000 hectares de terrain du domaine. A titre d’indication, on plante 230 hectares de pommes de terre, des (Kartoffel) en allemand. On ne voit pas le bout des champs et laisse-moi te dire aussi qu’on ne mange que des Kartoffel et des Kartoffel, c’est ce qui nous engraisse. Enfin ma petite chérie ne t’en fait pas, à force de temps, nous serons bientôt ensemble et nous aurons des jours heureux avec nos deux petits chéris que tu embrasseras bien pour moi. Reçois ma petite Sine de ton Nanou chéri mille grosses bises. Bien des choses à chez Robert et à Pierre et sa famille et à tous les amis. Dis à Jeannot de me mettre 2 mots sur tes lettres. Mets-moi du savon.
Antoine.

Lettre du 19/10/1941

Ma petite femme chérie mes petits Jeannot et Annie chéris
J’ai reçu cette semaine ta lettre du 26-9 et une carte de Jeannot et une autre carte du 17-9. J’ai été très content d’avoir de vos bonnes nouvelles, quant à moi la santé est toujours très bonne. J’ai été très heureux de trouver une photo de mes deux petits chéris dans ta lettre et je ne pouvais pas me figurer que c’était ma petite Annie qui est déjà si grande. Comment vais-je la retrouver quand je rentrerai ? Ah ! le plus triste de la captivité c’est de ne pas voir grandir ses enfants. Je pense continuellement à eux, et à toi aussi ma petite Sine. Je vois que mon Jeannot joue avec sa petite sœur, et oui ! mais ce n’est qu’en songe, mais quand est-ce que je vous verrai réellement ? J’ai trouvé que mon petit Jeannot était bien grand, mais il fait un peu triste figure, sur la prochaine, il sera un peu mieux. Tu voudras bien me dire ce qu’on aperçoit à gauche de la photo. On dirait une baraque ? Nous attendons toujours le photographe un de ces jours, mais je ne sais pas quand il viendra. Je vois que tu as passé quelques jours à St Héand. Chez Pierre sont très gentils et ça me console de voir qu’il y a de vrais bons amis. Je serais bien content d’avoir une photo de Maryse, car elle doit bien avoir changé elle aussi. Je te dirais que le moral est toujours très bon, on est habitué et on est bien mieux qu’au début ; la collaboration nous a fait beaucoup de bien, mais il faudrait qu’en France, on y adhère avec un peu plus d’empressement, car il n’y a que cela et la fin de la Russie qui nous fera sortir d’ici. Seulement, il y en a qui n’ont pas intérêt à ce que l’on revienne en France. Voici un bon mois que je n’ai pas reçu de colis, j’espère en avoir un cette semaine. J’ai bien reçu ma montre et elle marche très bien. Ma petite Sine, soigne-toi bien toi aussi, ne te néglige pas, conserve bon courage comme moi. Chaque jour nous rapproche et j’espère bien que bientôt, on sera de retour heureux. Mon petit Jeannot, je te remercie de ta carte, j’espère que tu as repris la classe sans trop de peine. Tu pourras bientôt apprendre à lire à ta petite Annie. Recevez mes petits choux de grosses bises de votre petit Nanou pour la vie.
Antoine.

Lettre du 21/12/1941

Ma petite femme chérie mes petits Jeannot et Annie chéris
J’ai reçu cette semaine ta carte du 24, je vois que vous allez toujours bien, quant à moi la santé est toujours très bonne pour le moment. Ici il fait très beau, il n’y a pas de neige, ça fait un grand changement avec l’an dernier, on ne s’en plaint pas. Je n’ai pas encore reçu le colis de Noël, je pense l’avoir cette semaine, jusqu’à présent je les ai tous reçus avec plus ou moins de retard. Je t’ai dit sur ma carte que mes guêtres étaient trop petites, je les ferai ranger ici, mais mes gants je les remporterai, car je n’y rentre pas ma main. Ça n’a pas d’importance ma petite Sine, je sais combien c’est difficile de trouver à présent, si tu peux m’en faire en étoffe ça suffira et sans doigt, des mitaines pour travailler. J’ai un copain rapatrié pour maladie, il avait pris une pleurésie ici, il m’a écrit et m’envoie un colis, on était bien copain, il est d’Aubusson (Creuse) et je pense qu’il t’aura écrit, car il me l’avait promis. Il t’expliquera un peu notre vie. Il a 2 mois de repos, il est cultivateur et maçon, et est très aisé. Il me dit que l’on ne reconnait plus la France et que la nourriture est rare et aussi la boisson. Ma petite Sine, dis-moi, si vous ne pâtissez pas trop, ne me le cache pas, as-tu des pommes de terre ? Explique-moi un peu ce que vous touchez et si les colis ne vous font pas priver, car j’aimerais mieux que tu ne m’envoies plus rien que de priver mes petits, car ici, on peut se rattraper sur les Kartofell, on en a à volonté. Quand tu m’enverras d’autres colis, numérote-moi les sur les cartons, comme ça je me rendrai compte si je les reçois tous. Ma petite chérie, il faut aussi que je te souhaite une bonne année ainsi qu’à mes deux chéris, il y a un an qui m’aurait dit que nous serions encore ici, enfin, j'espère bien que Noël prochain nous trouvera tous réunis, enfin souhaitons d’avoir une bonne santé, que nos petits chéris grandissent toujours bien et garde bon courage comme moi ma petite Sine et confiance on ne me gardera pas toujours ici, en dépit de mauvais français qui gênent notre retour. Embrasse bien mon Jeannot et ma petite Annie pour moi et reçois mes baisers les plus doux. Ton Nanou pour la vie
Antoine.


1942

Lettre du 18/01/1942

Ma petite femme chérie mes petits Jeannot et Annie chéris
J’ai reçu cette semaine ta lettre du 26 décembre. Je vois qu’il y a déjà quelques jours que tu es sans nouvelles. J'espère que depuis, tu as dû en recevoir. De toute façon, ma petite Sine ne soit pas en peine, je vais toujours bien. Actuellement, il ne fait pas chaud, mais il fait moins froid que l’an passé, les journées ne sont pas longues et nous avons de bonnes chambres bien chaudes. Ici, le chauffage ne manque pas. A ce sujet, je me demande souvent si tu n’es pas trop réduite pour le chauffage. Y en a-t-il autant qu’avant ? Et nos petits choux n’endurent-ils pas froid ? J’espère que vous allez toujours bien et que mon petit Jeannot a eu de bonnes vacances et qu’il s’est bien amusé avec sa petite « cocotte ». Ils doivent être drôles et souvent, je les vois dans mes rêves ? Ah ! Tu me dis, ma petite Sine que depuis 3 hivers, je passe loin de toi, et oui ! Et si on voyait une lueur d’espoir à l’horizon, mais rien ! Les « attentistes » nous font beaucoup de mal en France et n’activent pas notre retour. La guerre n’a pas dû les toucher ceux-ci. Enfin, on ne perd pas courage pour ça et le moral n’en est pas mieux atteint. Soit comme moi ma petite Sine et espère toujours. J’ai reçu le colis de mon copain d’Aubusson et je pense qu’il t’aura écrit. Il me parle de la nouvelle France et nous dit qu’il y a encore beaucoup de gens qui nous ignorent. Quand tu pourras me trouver une autre flanelle ou 1 tricot de corps, à la place, ça fait la même. J’espère que vous ne souffrez pas trop de la nourriture, dis-moi, ma petite Sine ? J’attends la carte de mon petit Jeannot. Fais-leur de grosses bises à mes petits choux et je pense te faire une photo sous peu. A bientôt ma petite Sine ne t’en fais pas. Je t’embrasse bien des fois et ne t’oublie pas. Ton Nanou pour la vie.
Antoine.

Lettre du 22/03/1942

Ma petite femme chérie mes petits Jeannot et Annie chéris
Deux mots pour te donner de mes nouvelles qui sont toujours très bonnes pour le moment et je désire qu’il en soit de même auprès de vous trois mes chéris. J’ai reçu cette semaine le colis d’Antoine de Montluçon, tu les remercieras bien pour moi, c’était un très joli colis de 5 kg. Crois qu’ils ne se sont pas fichés de moi, et comme tu me le dis, ça fait plaisir de voir que quelqu’un pense à nous, en tout cas ce ne sont pas ceux qui ont le plus les moyens qui envoient, je veux parler de ceux de Chazelle. Enfin, je leur souhaite de ne jamais passer où je suis actuellement ; ceux qui n’ont jamais connu la captivité ne peuvent s’imaginer ce que c’est, et nous savons pourtant très bien que lorsque nous rentrerons, on se fichera encore de nous et beaucoup auront été plus malheureux que nous. Les gens sont ainsi faits et la guerre ne les a pas beaucoup changés en France. Ma petite Sine n’avez-vous pas froid ? As-tu assez de chauffage ? Ici il fait mauvais temps tous les jours, nous sommes employés à déblayer les routes de la neige, et la semaine dernière, il faisait encore moins 20 en dessous. Depuis hier il fait meilleur et le temps me dure, qu’il fasse beau, car j’ai beaucoup de travail au jardin et là je suis pénard. Enfin ma petite Sine espérons que cette année verra notre libération. Je sais que la situation n’est guère brillante, mais je ne pense pas que la guerre dure longtemps à présent. Je pense que mon petit Jeannot est toujours dans les premiers de la classe et qu’il s’amuse bien avec sa petite Annie. Oh ! ma petite Sine, j’allais oublier de te dire de faire de grosses bises à ma petite poupée à l’occasion de ces 2 ans. J’y ai pensé toute la semaine et voilà aussi 2 ans que je ne vous ai pas vu mes chéris. Enfin, espérons toujours et ma petite Sine gardons bon courage, ne nous laissons pas abattre. Embrasse bien mes petits choux, donne le bonjour à tous les amis et reçois de ton Nanou qui ne cesse de penser à toi, mille grosses bises.
Antoine

Lettre du 07/06/1942  (une fleur séchée de pensée est dans cette lettre)


Ma petite femme chérie mes petits Jeannot et Annie chéris

Je n’ai pas eu de tes nouvelles depuis 15 jours, j’espère bien en avoir cette semaine, car depuis le 22 mai, je n’ai rien eu. Cette semaine, j’ai eu le colis partit le 9 de St Etienne, du comité Jean Mermoz de St Etienne. Je pensais, comme tu me le disais sur ta lettre du 8, que tu me mettrais les pantalons mais peut-être sont-ils dans un autre colis, car je n’attendais pas ce colis d’un comité de St Etienne. Je pense que vous êtes tous trois en bonne santé, mes chéris, quant à moi, ça gaze toujours bien au jardin et je suis mon petit patron. Mais j’aimerais encore mieux être dans le mien. Peut-être ce sera pour cette année. Je sais que vous avez été très content des photos. Je peux t’en faire parvenir d’autres d’ici peu, j’ai pu me faire prendre au jardin avec les pellicules que tu m’as envoyées, et mes petits chéris seront contents.
Oh ! Quand est-ce que je pourrai vous serrer dans mes bras ? Et ma petite Annie, que je voudrais la tenir sur mes genoux, comme je tenais mon petit Jeannot. Ah ! Souvent, j’y pense et que ceux qui sont avec les leurs sont heureux ! Enfin ma petite Sine, tu me consoles en me disant que tu ne souffres pas trop de la famine, car c’est bien la famine, surtout pour ceux de la ville, et c’est l’Europe entière qui est comme ça.
Il n’y a peut-être que ce moyen pour faire arrêter la guerre. Espérons que ça touche à sa fin et que dans ces 2 ou 3 mois qui viennent, nous verrons une solution, crois que nous autres, nous en avons plein le dos.
Je crains que lorsque nous rentrerons, l’on trouve en nous que des bêtes féroces et non plus des hommes capables de relever le pays. Comme on le dit si bien, car depuis 2 ans que l’armistice est signé, notre situation est toujours pareille. Je te fais une autre lettre, ma chérie, je m’arrête pour celle-ci en te fraisant de grosses bises ainsi qu’à mes deux chéris. Votre petit chou qui ne cesse de penser à vous.
Antoine.


Lettre du 09/08/1942

Mon petit Jeannot chéri.
J’ai reçu ta carte hier et j’ai été très heureux d’avoir de bonnes nouvelles de tous trois.
Cette semaine, j’ai reçu 2 colis de maman, 1 du Comité Mermoz et l’autre où il y avait du lapin qui était très bon. Je répondrai mieux à maman dimanche sur ma lettre. Je vois que tu es en vacances. Tu dois bien t’amuser avec Annie. Faites attention de ne pas trop transpirer et après prendre froid, comme l’avait fait sans doute ma petite Annie. Je vois que tu as un carnet de Caisse d'épargne, c’est bien mon Jeannot.
Si vous montez à St Héand amuse-toi bien avec Maryse, embrasse-la bien pour moi ainsi que Pierre et sa maman. Ton papa qui t’aime et t’embrasse bien des fois ainsi qu’Annie et maman.
Antoine.

Lettre du 02/11/1942

Ma petite femme chérie mes petits Jeannot et Annie chéris
J’ai reçu cette semaine passée tes 2 lettres du 4 et 6 octobre, j’ai été très heureux d’avoir de vos bonnes nouvelles. J’ai eu aussi ton colis où il y avait le saucisson et le fromage du Monastier. Merci ma petite chérie ! J’ai toujours peur que vous vous priviez pour moi, car d’après tes lettres, je vois que la vie n’est pas rose en France. Je vais toujours bien moi aussi, je m’occupe toujours au jardin et jusqu’à présent il fait assez beau temps.
Ma petite Sine, j’ai été bien en colère quand j’ai lu sur ta lettre le passage où tu me parles de chez Béal. Oh ! on apprend à connaitre les gens mais qu’ils fassent bien attention tous ceux-ci, car je t’assure qu’on ne prend pas bon caractère ici, et c’est tous que nous recevons de pareilles choses.
Toutes ces méchancetés contre nous ou les nôtres, nous pourrons bien un jour les faire payer. Ma petite Sine n’y fait pas attention et surtout ne te fais pas de mauvais sang pour ça, de toute façon ne te laisse pas aller, frise-toi toujours bien, habille-toi, toi et les petits, du mieux que tu pourras et laisse parler les jaloux, leur tour viendra. Tu me dis que la Sœur te conseillait de changer Jeannot d’école, mais comme tu me le dis, s’il apprend bien, laisse-le ou il est, ça n’a aucune importance au point de vue religieux, ça ne l’empêchera pas d’être aussi bon et peut-être meilleur chrétien qu’un autre qui aura été à l’école libre. Les preuves ne manquent pas ; Donne le bonjour à sœur Mathilde de ma part et la Mère que devient-elle ? J’y pense souvent.
Tu me parles de la relève, pour moi ce n’est que du bluff. J’ai lu sur le journal que les femmes de prisonniers pourraient venir travailler avec leur mari, ça c’est le comble et j’espère que tu ne seras pas tentée de venir car il y a assez de prisonniers. Je vois que ma petite Annie te tient bien compagnie et qu’elle aime bien raccommoder. Elle n’est pas comme moi, le lavage et le raccommodage sont ma mort. Ah : ce que je n’aime pas y faire et pourtant il faudra que j’y fasse encore combien de temps ? Enfin, courage et patience ma petite Sine et le temps viendra bien. Embrasse bien mes deux chéris pour moi et reçois de ton Nanou pour la vie, mille grosses bises.
Antoine.

Lettre du 28/12/1942

Ma petite femme chérie mes petits Jeannot et Annie chéris
Deux mots pour te donner de mes nouvelles qui sont toujours très bonnes pour le moment et je désire qu’il en soit de même auprès de vous trois mes chéris. Je te dirais, ma petite Sine que je n’ai rien reçu depuis près de 4 semaines, et tous ici c'est comme ça, le courrier doit être arrêté, nous recevons les colis mais aucune lettre.
Ta dernière lettre était datée du 11 novembre. Enfin du moment que c’est tous qui sommes au même point, je ne m’alarme pas trop. Malgré tout, on trouve le temps beaucoup moins long quand on a des nouvelles de ses chéris. J’ai reçu hier le colis de Montluçon, et je leur ai envoyé une carte et une photo pour les remercier. Ils m’avaient fait un joli colis, eux au moins ne m’oublient pas. Ma petite Sine je pense que mes petits choux t’ont tenu bien compagnie ces jours de fêtes, car tu devais trouver un grand vide sans moi.
Quand je pense que c’est le 4ᵉ Noël que nous sommes séparés, c’est triste quand même. Je t’assure qu’ici, malgré les 3 jours de repos que nous avons eu, le temps nous durait de repartir au travail, malgré l’ambiance créée par les 36 que nous sommes. Nous étions tous plus ou moins tristes, notre pensée allait vers vous, vers ces bons Noëls que nous faisions en France avec nos familles.
Nous avons pourtant fait un bon Noël avec toutes les bonnes choses que l’on reçoit de nos familles. Ta boite de viande d’oie, je crois, était excellente, on s’en est fichu plein la lampe. Il y avait un peu de tout sauf du pinard. Enfin, je pense que ce sera le dernier que nous passerons ici. Aussi ma petite Sine ne te décourage pas, soignez-vous bien. Tu me diras ce que le Père Noël a apporté à mes petits choux, ont-ils eu seulement un peu de papillotes et d’oranges ? Enfin ma petite Sine, je termine en espérant une lettre cette semaine. Reçois de ton Nanou pour la vie. Embrasse bien mes petits pour moi.
Antoine.
1943
Avis du 21/01/1943
Est annoté au bas de cet avis :

Je viens de recevoir tes deux colis du 18 et 22, merci ma petite Sine, je t’envoie cette nouvelle formule, tâche de ne rien m’envoyer de ce qui est marqué ci-dessus, à moins que tu veuilles m’envoyer un avion pour m’évader !!
Mille grosses bises à vous trois.
Antoine.






Lettre du 14/03/1943

Ma petite femme chérie mes petits Jeannot et Annie chéris,

Je n’ai pas eu de lettre cette semaine, par contre, j'ai eu un colis du 17 février où il y avait un bon saucisson et les oignons et ails. Je t’en remercie beaucoup, ma petite Sine. Je pense que vous êtes toujours en bonne santé, il en est de même pour moi. Nous avons toujours le beau temps, je m’occupe toujours au jardin. De ce côté, ça va, il n’y a que la classe qui ne vient pas vite, mais on garde toujours bon espoir et le courage ne nous abandonne pas. Je pense que Gonon a dû partir, il aurait pu faire comme certains que je sais, comme Philibert par exemple. Et que fait Mme CROZET ? Je pense que mon petit Jeannot va bientôt avoir ses vacances de Pâques. Il va en profiter pour s’amuser avec sa petite Annie. Je pense qu’ils grandissent toujours bien tous deux, les restrictions ne les touchent-ils pas trop ? Avez-vous assez à manger ? Ah ! Souvent, je pense à vous et il me semble que si j’étais près de vous, je saurais me débrouiller pour que vous ne manquiez de rien. Je ferai rendre le jardin au maximum. As-tu fait semer quelque chose au jardin ? Pierre peut-il te procurer des graines et des pommes de terre ? Les asperges sont-elles un peu en valeur ? As-tu toujours trois poules et quelques lapins ? L’autre jour que j’étais au camp, j’ai vu un bon copain qui était à Mulhouse avec moi. C’est l’abbé d’Aurec. Je t’en parle car peut-être que madame Boyer le connait comme les petites étaient en pension là-bas ? J’en ai vu pas mal d’autres de St Etienne, d’ailleurs nous avons un groupement de prisonniers de la Loire, nous sommes assez nombreux, et lorsqu’on se revoit, on cause un peu de ce cher pays. Enfin ma petite Sine, garde courage et bon moral comme moi, embrasse bien les petits choux pour moi et reçois de ton Nanou pour la vie mille grosses bises.
Antoine.

Lettre du 25/06/1944  dernière lettre reçue.

Mon petit Jeannot chéri,
Cette semaine qui se finit a été pour moi riche en anniversaires, mais c’était aussi hier ta fête et je veux te dire par la présente que toute ma pensée a été vers toi ce jour. J’espère, mon petit chou, que c’est bien la dernière que je te souhaite de si loin, et que la prochaine, je pourrai te faire un joli cadeau. Je pense que tu es en vacances et qu’avec Annie, tu passes de bonnes journées. Fais-lui de grosses bises et dit-lui que je lui ferai une carte bientôt.
Embrasse bien maman pour moi. Reçois de grosses bises de ton petit papa.
Antoine.










Antoine est rentré en août 1945, très amaigri et très affaibli après une très longue marche et une évasion de la colonne de prisonniers.
Il a été récupéré par les Forces Britanniques quelque part en Allemagne.
Il est décédé en octobre 1990.

Son petit-fils Hervé GOYON.