STALAG IIB   HAMMERSTEIN,   CZARNE en POLOGNE

CAMP de PRISONNIERS de GUERRE 1939-1945 en POMERANIE







Marc LASSEIGNE

matricule n° 73206



informations transmises par sa petite fille
Soizic GUYOT








RECIT DE GUERRE

CINQ ANS D’UNE VIE EN ALLEMAGNE

Chronologie des évènements

1939

    •8 septembre 1939     
Départ pour Avignon
Pont de Bompas
    •
17 septembre 1939   
Embarquement pour un lieu inconnu
    •19 septembre 1939   
Débarquement à
Sarre Union Sarralbe Sarreguemines 63 rue de France Velerding Richeling
    •
1er novembre 1939
Départ en permission exceptionnelle pour la naissance de ma poupée
    •
17 novembre 1939
Déplacement pour NORRENT FONTES

1940

    •
NORRENT FONTES

- Départ le 11 mai
par chemin de fer, arrivée le 12 à Saint Nicolas très tard
- Les anversois fuient
- Garde à la mairie
- Couchage dans la salle de tir à l’arc. Les compagnies vont aux alentours d’Anvers faire des travaux, principalement préparer la destruction des tunnels sous l’Escaut à Anvers
-
Alertes fréquentes change désavantageux.
- Le 16 mai au matin : départ par la route, arrivée à Ekssarde à midi. Nuit passée au téléphone.
-
Le 17 mai : départ pour Eckloo, toujours par la route. Nous y arrivons à 2 heures.
Premier cantonnement dans un château, puis au
cinéma Libéria. Mouvements intenses. L’armée belge est véritablement en déroute. Nouvelle garde à la mairie, qui est très belle. Le commandant m’oublie !!
-
Le 18 mai : départ pour Bruges où nous arrivons à 6 heures. Nous sommes passés tout près de la Hollande. Belle ville mouvementée par les innombrables réfugiés civils.
Avec Lap
iere nous trouvons un lit pour coucher, depuis le 11, cela ne m’était pas arrivé.
-
Le 19 mai : à 6 heures du matin, nous partons toujours avec notre précieuse Ford jusqu’à Lopen où nous embarquons à 10 heures.
- Le 20 mai : Débarquement à 1 heure du matin en gare de Chocques. Nous revenions presque à notre point de départ.
L’après
-midi : première vague d’avions allemands. Nuit passée à la belle étoile.
- Le 21 mai
: à 9 heures environ le matin, premier bombardement. Un train de munitions est touché par les bombes, le feu s’y met, et pendant 5 heures le train va exploser wagon par wagon.
Notre
capitaine «TONTON PIERRE» est blessé. J’aide à le sortir de dessous un monceau de briques. Tout un côté d’une maison s’est abattu sur lui par l’effet d’une bombe.
5 heures passées dans un abri
à attendre la fin de ces explosions qui n’en finissent pas.
Départ pour la forêt
de Nieppe. Nous passons à Saint Venant juste au moment où 9 avions allemands viennent bombarder ce village. Nous n’avons que le temps de nous aplatir, un à droite, un à gauche.
Je suis avec Sagnier, nous nous jetons dans un fossé.

Le huitième avion nous
lâche ses bombes tout près, nous sommes tous deux littéralement soulevés par l’explosion et ... plus morts que vifs, d’ailleurs, des morts il y en a et c’est horrible à voir et à entendre. Enfin le danger passé, nous nous regroupons et passons la nuit dans une meule de paille, puis dans la forêt, il n’y fait pas chaud.
-
Le 22 mai : départ pour Locon, tenir les lignes devant Béthune.
-
Le 23 mai : repli sur Lacouture, Richebourg, Saint Wast.
-
Le 24 mai : regroupement à Locon dans une immense ferme. Blessure de Arnal. Là encore, je l’ai échappé belle !
-
Le 25 mai : à 4 heures du matin, l’artillerie allemande nous déloge. Nous allons à Vieille Chapelle.
-
Le 26 mai:  Estaires bombardement de la ville par 43 avions. Heureusement notre PC se trouve un peu à l’écart Neuf Berquin.
-
Le 27 mai au soir départ pour Laventie.
-
Le 28 mai
: redélogés à nouveau pour Petit Mortier.

-
Le 29 mai à midi nous étions encerclés et faits prisonniers.

A pied
nous partons pour Béthune strictement surveillés, nous arrivons le soir à la nuit après une marche de 30 kilomètres
-
Le 30 mai, nous sommes fouillés ... et sérieusement
-
Le 31 mai : départ pour Saint Pol, marche pénible de 32 kilomètres.
Nuit à la belle étoile après avoir eu en guise de souper un biscuit
trempé dans de l’eau chaude non salée. Je n’ai jamais avalé une chose aussi écoeurante. Il faut se battre pour avoir de l’eau pour boire
-
Le 1e juin : le soir nous quittons Saint Pol pour Doullens. Nous couchons dans une tréfilerie.
Je peux enfin me laver dans un
ruisseau qui traverse la cour de l’usine.
Aucun repas, je vis sur mes
réserves qui s’épuisent rapidement.
J’écris une lettre, l’on nous
permet de le faire mais par la suite j’ai appris que nos lettres ne partaient pas. 25 kilomètres!
- Le 2 juin : à 5 heures du matin, nous partons à Foncquevilliers.
23
kilomètres, mélangés à d’interminables convois que notre présence protège.
Nous arrivons sales, harassés, couverts de poussière,
méconnaissables. Nuit à la belle étoile.
Comme compensation, les
gens du pays sont braves et nous apportent des patates, du lait, etc...
-
Le 3 juin : à 5 heures du matin départ pour Bapaume.
20 kilomètres
en une seule étape faite en 3 heures et demie à titre de punition, un prisonnier s’étant rebellé contre une sentinelle allemande. Coup de feu, un prisonnier est touché à la tête.
J’écris à nouveau mais là
encore nos lettres n’iront pas plus loin
-
Le 4 juin : départ pour Cambrai 35 kilomètres.
En faisant la queue
pour avoir un litre d’eau, je perds mes deux camarades, Arnal et Sagnier.
Directio
n la gare. Nous embarquons, nous sommes empilés d’inimaginables façons.
Nous sommes 144 hommes sur le
même wagon, l’on ne peut même pas s’asseoir. Le train part puis stoppe en pleine campagne, et là nous passons la nuit
-
Le 5 juin : débarquement à Givet à 6 heures du soir.
Départ à pied
pour Beauring en Belgique, 10 kilomètres plus loin.
Arrivée à 8
heures du soir, je suis extenué, nuit à la belle étoile
-
Le 6 juin à midi, nous avons enfin à manger. Cela fait 54 heures que je n’ai rien pris excepté une petite salade que j’ai arrachée au passage dans un jardin
-
Le 9 juin : départ par le chemin de fer pour Trèves Camp de Bruftell.
C’est l’Allemagne. Je retrouve là mes deux amis et nous
décidons de veiller à ne plus nous séparer
-
Le 11 juin : départ pour ? ...

Après 41 kilomètres de chemin de fer
enfermés comme des bêtes, nous arrivons à Hammerstein en Poméranie dans l’est de l’Allemagne : c’est le 13 juin au matin.

Ce
n’est qu’un camp (Stalag II B) et nous couchons sous la tente à même le sol.
Du sable, de
s poux, nourriture !!! Nous sommes immatriculés et photographiés




- Le 1e juillet, l’on nous remet une carte afin de donner notre adresse à notre famille. Celle-ci arrivera.

La vie n’est pas viable, nous ne tenons plus debout.
Nous décidons de travailler poussés par la faim et les mauvaises conditions.

- Le 13 juillet : Nous partons pour Gartkewitz, notre nouveau Kommando.
Nous travaillerons à cultiver la terre, là pensons-nous, nous pourrons manger à notre faim.
Nous sommes 13 à quelques kilomètres de la Pologne.
De certains camps, nous apercevons la mer Baltique par laquelle nous gagnerions bien les rivages de France si nous le pouvions. La ville la plus proche est Lauenburg située à 30 kilomètres
- Le 5 août mon oreille donne.
- Le 7 août réception du premier colis. Je suis le premier à en avoir.
- Le 11 août : premières cartes.
- Le 18 août : j’écris ma deuxième lettre.
- Le 25 août : j’écris mes deux cartes. J’écris régulièrement mes deux lettres et mes deux cartes par mois. Après les moissons, c’est la saison des pommes de terre qui suit, mais c’est la même façon de travailler, harassante, bestiale, pénible. Il pleut continuellement ... Quel triste pays. Mon oreille donne toujours
- Le 8 octobre : ma petite a un an, j’y pense sans cesse et à sa maman aussi. Moi, ce jour là, je suis manœuvre, maçon et quelque peu flappi le soir. Rien d’étonnant, dans la journée, avec briques et mortiers sur le dos, je m’appuie 3720 marches et le soir que quelques patates pour se remettre.Heureusement, il y a les colis.
- Le 9 octobre : réception du deuxième colis de 5 kilos de linge, il y a de l’espoir, et j’éprouve beaucoup de joie à voir combien l’on pense à moi.
- Le 15 octobre : je reçois dans une lettre de mes parents une photo de ma poupée. Comme elle est changée et grande. J’éprouve une bien grande joie à la contempler, mais aussi après, quelle amertume, quelle tristesse.
-
Le 18 octobre : réception de mon troisième colis de 5 kilos, les nombreuses friandises de ma Paulo chérie mettent mon cœur en joie. Il en avait d’ailleurs besoin, car mon oreille donne encore. Je souffre même encore beaucoup et le cafard s’en mêle.
-
Le 20 octobre : aujourd’hui il y a de l’extra, oh, pas grand-chose. 4 bouteilles de sirop de groseille, en raison du baptême du dernier né du patron
-
Le 1e novembre : jour de Toussaint. Le culte des morts n’est pas respecté ici, et de bonne heure, nous sommes à arracher des choux raves. La pluie accompagnée de vent violent nous trempe jusqu’aux os. C’est ainsi tout le matin. Le soir, nous voulons nous sécher mais l’on nous refuse cette faveur pourtant promise par le régisseur. Résultat, la nuit je souffre de mon oreille
-
Le 10 novembre : 2e anniversaire de notre mariage. Où sont donc ces doux moments ?
-
Le 11 novembre : à force de recevoir pluie et neige sur le dos, je fais une crise de rhumatismes.
Le soir, je reste au lit et souffre
terriblement, je ne puis pas bouger.
-
Le 12 novembre : je reçois la photo de ma poupée à 1 an, qu’elle est jolie !
Dire que je ne l’ai vue que 3 fois
-
Le 22 décembre : je reçois la photo de mes deux bijoux, quel choc en mon cœur.
Plus que jamais je vous aime bijoux chéries et quelle
amertume, quelle détresse d’être si loin de vous.
-
NOEL : nous avons enfin deux jours de repos pour marquer cette fête, mais la joie n’est pas en nos cœurs. Nous touchons des cartes à jouer et le menu ce jour là est amélioré : nous pouvons nous offrir un litre de vin
-
Le 26 décembre : repos.
-
Le 27 décembre : chasse, toute la journée nous faisons le rabatteur dans la neige.

1941

- Le 1e janvier : Un jour de repos
-
Le 1e février la livraison des patates recommence. Quel travail !!! et les choux raves !...
C’est à n’y pas croire. En plein champs. 9
heures par jour par 20 ° -30 ° lorsque le vent souffle (et Dieu sait si cela est fréquent). Nous sommes complètement givrés, recouverts de neige. Des glaçons se forment et pendent à nos cache-nez et passe-montagnes. Ce travail se poursuit pendant tout le mois de janvier et février.
Le 1e
février, le thermomètre descend à 31 ° ce jour nous transportons de la chaux sur la route de Mersin.
-
Le 26 février je pars, consulter pour mon oreille qui de plus en plus me tient en soucis, elle donne chaque jour et de plus j’ai des douleurs continuelles à la tête.
3 jours de repos, fortifiant, puis à
nouveau 4 jours de repos. Mais au premier jour de travail, le mal recommence, je souffre de plus en plus fréquemment. Il ne passe pas de semaine sans que je sois obligé de garder la chambre un jour ou deux.
-
Le 11 avril : vendredi saint,  repos.
-
Les 13 et 14 avril : Pâques, repos.
-
Le 17 avril : le vent me fatigue, au point que mon oreille saigne. Je demande, j’insiste : il est donc impossible de consulter un autre docteur ? Tout ce que j’obtiens c’est que le 28 avril, j’aille à Lauenburg consulter un spécialiste c'est-à-dire 11 jours après. Onze jours pendant lesquels, je me suis soigné de mon mieux et en fait, lorsque je me présente au spécialiste, mon oreille a séché. Il se borne à faire un simple nettoyage et déclare que je n’ai rien à craindre. A la suite de cette réponse, il ne faut pas que je compte retourner au camp.
- Le 1e
juin : Pentecôte. Mon oreille va mieux, le beau temps y est certainement pour beaucoup.
Nous avons deux jours de repos. Nous
commençons à recevoir de France quelques vivres officielles telles que : boîte de singe, cigarettes et ... 4 figues chacun (sic)... Le printemps est assez chaud, nous allons nous baigner dans le Lantausee.
-
Le 22 juin : le beau temps améliore ma santé, mon oreille va pour le mieux et ne me donne plus d’inquiétude mais notre situation reste confuse.
Nous attendions beaucoup en ce printemps un résultat
positif contre l’Angleterre. Or, après la Grèce, la Yougoslavie, voilà que maintenant la Russie entre dans la danse à son tour, et ce n’est pas fait pour abréger notre captivité
-
Le 11 juillet : Michel, notre sergent est rapatrié. Quelle amertume à le voir partir, tandis que nous restons là, immobiles et bêtes ... à nous demander quand donc notre tour viendra. On en pleurerait ma foi. Mes camarades me désignent pour le remplacer dans ses attributions, me voilà donc verbrausman (homme de confiance).
-
Le 8 octobre : ma poupée commence sa troisième année et cela fait 17 mois que je l’ai quittée !!!
-
Le 10 novembre : troisième anniversaire de notre mariage. Qu’elles sont donc loin d’ici, toutes les péripéties de cette belle journée.
En
cette fin de novembre dont on n’espérait beaucoup, rien ne se produit.
Le froid très vif fait déjà son apparition et dans les rangs
des prisonniers russes, qui paraissaient désignés pour nous remplacer, la maladie fait un tel ravage, les morts sont si nombreux qu’en définitive, nous restons purement et simplement en notre kommando et les russes restent au camp.
A noter, que ces morts si
nombreux chez les russes seraient le fait d’une épidémie de typhus.
Certains civils en sont victimes.
Impossible départ, ce ne sera donc
pas encore pour cette fois, et tous les espoirs portant sur la fin de cette année seront donc déçus une fois de plus.
Et toi là-bas, pauvre petite femme aimée, pauvre petite Paulette qui espère tant, qui espère toujours, qui espère encore, à force de courage et vaillance, tu sera déçue toi aussi. Le voile du désenchantement, de l’amertume s’abaissera sur toi, assombrira ton cœur et tes yeux. Le bel élan de ton jeune cœur qui se plaisait à cet espoir, comme à une œuvre de Dieu, se brisera à nouveau contre cette fatale adversité.
Je
reste captif ... séparé de toi. A cette évocation, mon cœur aussi semble inondé d’une onde amère... Oh triste réalité quand on aime.
-
Le 7 décembre : Décidemment, ce n’est pas fini. L’on apprend que l’Amérique déclare la guerre au Japon, l’Angleterre également. Je ne crois pas que cela va arranger notre situation.

-
NOEL Comme l’année dernière, nous avons deux jours de repos. Nous assistons à une messe dite à Mersin. Même amélioré, Von Spethnous prête son gramophone, qui nous fait passer deux bonnes journées
-
26 décembre : enfin nous pouvons nous faire photographier dans de bonnes conditions.
Cette fois, j’espère que nous serons réussis et
que nous pourrons procurer le plaisir de cette image à nos chers proches, qui le demandent tant.

1942

- 1e janvier 
Encore une année qui commence. Verra t-elle au moins notre retour?
Nous avons repos et nous passons cette journée bien
tranquillement auprès du feu à faire des manilles et encore des manilles.
-
4 janvier : c’est un dimanche, mais au lieu de se reposer, il faut faire le rabatteur, car Monsieur ... va en chasse. Résultat : 15-20 kilomètres dans la neige jusqu’aux genoux, quand ce n’est pas plus.
Nous rentrons gelés et tou
t mouillés. Voilà pour nous. Pour le patron, c’est 16 lièvres, 1 renard, 1 sanglier qu’il ramasse. A titre de récompense, je lui demande qu’il veuille bien nous vendre 1 ou 2 lièvres pour améliorer notre menu. Il réfléchit longuement, il doit trouver que ces français ont beaucoup de toupet, il hésite, puis finalement dit oui : 4 Reich marks pièce soit 160 francs les deux. C’est cher peut être, mais pour pouvoir manger un peu de bonne
viande, nous ne regardons pas au prix.
-
25 janvier : quel froid: -31 ° -35 ° et être en plein champs à longueur de journée. C’est incompréhensible de ne pas tomber malade. Mais non, je tiens le coup ... mon oreille aussi
-
8 février : Dimanche, nous allons à Bischow déblayer la voie de chemin de fer. Froidure terrible. Dîner au retour seulement quel esclavage.
-
12 mars : Machine, nous battons de l’orge. Je suis à porter les sacs. Il fait toujours très froid, la neige se ramasse sous les semelles, etc ... C’est une belle chute dans le grenier, un peu assommé et un nerf a sauté au coude gauche. Bien embêtant car le toubib ne sait par remettre çà en place et je ne peux pas faire ce que je veux de mon bras.
-
Août : tout cet été n’est qu’une réédition du précédent: c’est donc déjà dit. Rien n’est venu améliorer notre existence. C’est même le contraire car des rationnements successifs sont venus réduire la nourriture. On se sent de plus en plus les jambes flottantes. Il est cependant question de relève. Faut il ajouter foi en cet espoir, non ce n’est pas encore pour nous. La patronne a le bras trop long pour nous lâcher.
-
Le 2 septembre : je veux cependant essayer quelque chose et demande à nouveau à consulter pour mon oreille. Mais non, il n’y a rien à faire : mon oreille et saine et je me fais vider. J’en profite pour me faire photographier.
-
Octobre : vient sans changement visible, apporter ses affreuses litanies, qui sont le ramassage des pommes de terre, absolument comme l’année dernière. Il y a cependant une petite chose, qui en moi change. Je vieillis. Mes cheveux blancs se font plus nombreux, et puis, je le sens bien aussi, la fatigue m’accable davantage. Tous ces travaux sont pénibles et je n’étais sans doute pas formé pour cela. Mais je sens très bien que mon retour aurait vite fait de me guérir de toutes ces petites misères.
-
Le 8 octobre : ma poupée à trois ans. Quel abîme de réflexion. Quel vide infortuné ! J’ai une petite et c’est presque comme si je n’en n’avais pas. Je ne connais pas son rire, pas beaucoup ses pleurs, pas du tout ses cajoleries. Je me console un peu avec les images, les charmantes photos que sa maman m’envoie le plus souvent possible. Tout de même, ce n’est pas la joyeuse réalité.
-
Le 10 novembre : Quatrième anniversaire de mariage. Je pense. Je revois, je revis toutes ces images qui il y a quatre ans, étaient des réalités. Lumineuse image pleine de clarté, de rayonnant bonheur et que je contemple maintenant avec envie, derrière l’horizon lugubre de cette captivité.
Pourquoi
? qu’ai-je donc fait ? Que les hommes qui commandent ainsi d’étranges destinées sont donc cruels, méchants, insensés. Paulette chérie, tu vas me gronder parce que toi tu sais, tu crois que c’est Dieu qui commande, alors il voit tout, il voit bien en mon cœur que je souffre loin de toi.
-
Le 30 novembre : un fait imprévu. Notre ami Riton malade regagne la France grâce aux puissantes démarches et recommandations de notre patronne
-
Le 25 décembre : un Noël de plus. Calme, triste. Pas de messe, un arbre de Noël, un phonographe comme l’an passé. Nous avons trois jours de repos, Noël se trouvant un vendredi cette année.
Trois
jours enfermés, c’est presque long, l’air manque, rien à écrire la dessus, c’est ce qu’il y a de plus triste ! Nous sommes sans nouvelles depuis trois semaines.J ’arrête, c’est trop long.
Chaque saison, chaque
année, c’est la même vie qui recommence, à quoi bon, ça ne finira plus...

1943

Nous passons civils ! La belle blague ! À part les lettres.

1944

Rien


1945

Ah les russes avancent. Voyons, serait-ce eux qui viendraient mettre fin à notre captivité?





LE RETOUR
récit de sa petite fille

Après avoir été captifs pendant 5 ans, il a décidé avec ses compagnons d'infortune de rentrer en France par leurs propres moyens : une charrette, deux chevaux et de précieuses cartes. Je crois me souvenir qu'ils ont eu sur la route des soucis avec les russes qui leur prenaient leurs chevaux et leurs laissaient de vieilles carnes qu'ils devaient "retaper" avant de repartir...
De ce fait, ils ont voyagé de nuit et sont restés cachés le jour.
(11 jours en train à l'aller et 5 mois pour rentrer !!)

Par la suite, ils ont été pris en charge par les Anglais vers la frontière belge.
Le Primpéran donné par les Anglais aurait sauvé la vie de mon grand-père (45 kg pour 1m85)
Il a été un des derniers à rentrer dans son village en Août 1945
Il a retrouvé sa femme et sa petite fille de 6 ans. 
Ils ont eu 3 autres filles dont " le produit d'après guerre " qu'est ma maman (c'est elle qui le dit !).
Il a repris son travail de dessinateur industriel.
Je vous joins un dessin qu'il a réalisé lors de son exil.

ITINERAIRE DE LEUR  RETOUR









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