STALAG IIB   HAMMERSTEIN,   CZARNE en POLOGNE

CAMP de PRISONNIERS de GUERRE 1939-1945 en POMERANIE




Informations transmises
par son petit-fils
David OLLITRAULT

René TOURGIS


matricule






Témoignage de René Tourgis, prisonnier de guerre au Stalag 2B,

recueilli par son petit fils, David Ollitrault en 2010.


Où as-tu été capturé ?

On était au bureau, j’étais secrétaire de l’état-major sous la direction du général Corap à Vervins.
J’étais avec un ami là-bas, Jean Morice. Tout d’un coup on a vu un avion passer avec une croix gammée.
Ah ça n’a pas tardé, le lendemain matin Corap a donné les ordres qu’il fallait quitter Vervins. Alors on est parti dans la nature puis j’ai été capturé à Le Catelet.

Comment s’est passée la suite ?

On a marché jusqu’en Allemagne. On formait des groupes, des kilomètres de bonhommes, avec les allemands et les mitrailleuses sur le côté. Ils nous prenaient sur la route partout et puis ça s’allongeait, ça s’allongeait mais le temps s’allongeait aussi. On en avait marre. Il y en avait qui avaient même du sang sous les pieds mon vieux.
Moi je marchais toujours en avant car les derniers étaient zigouillés. Celui qui tirait trop au cul, hop, pan !
Du coup, j’étais toujours dans les premiers. On stoppait un peu quand même de temps en temps mais j’arrêtais pas moi, je continuais, je reprenais la tête. Tu avais parfois un kilomètre à remonter sur la route.

Vous mangiez quoi quand vous marchiez sur la route ?

On traversait des champs plats, on bouffait des feuilles et on nous donnait du son, un demi-quart de son, qu’on donne aux bestiaux, tu sais. Mais on le mangeait…
D’ailleurs ce jour-là, je sais pas comment ça s’est produit, il y avait un herbage, on était des milliers là dedans.
Il y a une vache qui s’est amenée et les plus forts et les plus dégourdis l’ont dépouillée vivante. J’ai même pas pu en avoir un morceau.
Plus tard, une fois que la guerre était terminée, j’ai rencontré un gendarme à Percy qui était à cet endroit aussi ou des gens mangeaient la vache le long de la route. Lui il allait à un autre camp.
Je lui ai dit mais moi aussi j’étais là ce jour-là !

Dans quelle ville de Pologne les allemands vous ont-ils amené ?

Hammerstein, au Stalag 2B.

Quel âge avais-tu ?

Quand je suis parti je devais avoir 26 ans.

Les allemands vous ont mis au travail au Stalag 2B ?

Oui, tu comprends, quand on est arrivé à cet endroit-là, ils nous ont fait travailler quoi, les prisonniers ne leur servaient à rien. On faisait une route qui devait (qui devait !) relier Paris à Berlin.
Mais ça n’a pas été au bout.
On partait le matin de très bonne heure et on allait chercher la route. Alors chacun avait un bout de route à faire. On était gardé par des gars et c’est là qu’on bossait tous les jours.

Quand on allait prendre le travail, on était des milliers et avant d’arriver sur le lieu de travail, il y avait de la route à faire à pied, des kilomètres.

C’était une carrière, il y avait des wagonnets, il y avait du sable.
Il y avait deux gars qui chargeaient le wagon et un autre qui poussait.
Et c’est là qu’a eu lieu mon accident. Il fallait traverser une rue, une petite rue.
Et à l’arrivée, le wagonnet m’est tombé dessus, hop, deux côtes de cassées. C’est ça qui m’a fait rentrer.

Un jour, un officier est arrivé au camp et il a fait l’appel :
« untel, untel, allez, venez par-là, on va vous renvoyer en France parce que vous êtes bons à rien, vous ne pouvez pas travailler ».
J’étais à l’infirmerie et donc je suis parti.

Que mangiez-vous sur le camp ?

On voyait des pommes de terre en passant sur la route. Parce qu’il y avait peut-être 1km, 2km de queue, les allemands nous voyaient pas tous. Quand on était comme ça le long de la route, il y avait un allemand tous les 100 mètres si tu veux, avec son flingue. Alors quand on le voyait assez loin, quand il y avait un trou, hop, on piquait des pommes de terre et on les ramenait. Mais on était fouillé en rentrant. On avait à ce moment-là des pantalons militaires, tu sais comme des culottes de golf. On mettait ça dans le fond.
Arrivés au camp, les allemands ils tâtaient partout mais ils trouvaient pas. Et puis quand ils nous attrapaient ils disaient : « mais où qu’ils ont eu ça eux, ils mangent des pommes de terre qu’ils ont cuites ?! » On les cuisait dans les tuyaux du chauffage (rire).

Parmi les soldats allemands il y avait aussi des vieux qui étaient gentils. Certains me passaient du pain.

Il y avait apparemment des espaces de jeu. As-tu joué au football là-bas ?

Non, jamais.

Est-ce que tu te souviens de noms de prisonniers avec qui tu étais au camp ?

Non, ça me passait par-dessus de la tête.

Y avait-il des douches pour se laver au camp ?

Il y avait des douches mais on ne pouvait pas y accéder, il y avait tellement de monde.

Est-ce qu’il y avait de la neige l’hiver ?

Oh oui. On a passé des coups durs.

Avais-tu froid ?

Quand on travaillait la journée ça allait mais c’était le soir en rentrant qui était difficile.

La chambre était-elle chauffée ?

Il y avait un petit poêle, alors on essayait de prendre du bois pour se chauffer.

Y avait-il des journées de repos ?

Non.

Comment dormiez-vous ?

Pour la chambrée c’était des lits superposés de 3 personnes. Alors comme j’étais le plus petit j’étais monté en haut moi. Je me ratatinais. Alors l’allemand lui quand il venait, il prenait le bord, il regardait, il voyait le 2ème lit mais il ne voyait pas le 3ème. Il mettait sa main pour tâter mes pieds.
Comment que je les ratatinais ! Il disait : « mais il n’y a personne là-dedans (rire).

As-tu une anecdote marrante qui te revient en tête ?

Je me rappelle, ils étaient pas tellement à la page les allemands. On avait une réunion le matin de bonne heure, à 3 H ou 4 heures. Ils nous faisaient mettre par rang de vingt gars sur trois lignes.
Alors le premier comptait,
eins, zwei, drei, puis pendant ce temps-là, celui qui avait eins
il se couchait et marchait à pas de loups derrière. Quand les allemands arrivaient au bout du compte, il y en avait de trop.
On était quand même couillonnés !

Un jour je m’étais même couché dans une marmite pour ne pas être pris, une marmite dans laquelle on donne la soupe aux bestiaux tu sais.

Tu n’as jamais essayé de t’évader ?

Non. Ils y en avaient qui ont essayé, qui étaient à la frontière pas loin, mais il y avait les chiens qui les traçaient.

Comment s’est passé ton retour en France ?

Quand je suis rentré, il y avait des femmes qui étaient mécontentes car le leur était resté prisonnier et ils n’avaient pas de raison de rentrer.
On habitait la gare. Un matin je me réveille, il y avait une grande croix gammée de dessinée à ma porte.
J’ai vite été nettoyer ça. J’étais pris pour un collaborateur. Je me souviens, Il y avait une femme qui disait : « c’est malheureux, lui il est rentré et le mien il est resté là-bas ! ».
J’avais beau leur expliquer, ils ne comprenaient pas.





VOYAGE à CZARNE en 2014

de son petit-fils David OLLITRAULT



1-12-14

Lager Nord


      



   


2-10

Cimetière Ost


    

   


   


3




   


4-13-15


   


monument 14-18 devant l'entrée de l'actuelle prison (lieu Lager Nord)




       



5-9-11


   


  



  



   



6-16



   



   



  



7- cimetière Lager Nord


  


  


8- Lager OST


 





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