STALAG IIB   HAMMERSTEIN,   CZARNE en POLOGNE

CAMP de PRISONNIERS de GUERRE 1939-1945 en POMERANIE

 

MEMOIRES DE L'ADJUDANT  BAERT

 

 

 

 

 

 

HAMMERSTEIN XV

 

Les Fêtes de Noël et de Nouvel An sont des journées choisies pour perfectionner et expérimenter l'art de cuisinier. Dans chaque groupe de prisonniers, qu'il se compose de quatre hommes, de cinq hommes ou plus encore, il y a un cuistot. Les autres sont les ravitailleurs. Deux briques et un morceau de bois font office de cuisinière et souvent les "cuistots" font la file pour utiliser le feu.

Les épluchures de pommes de terre sont lavées, râpées, et de la pâte ainsi obtenue nous roulons des petites boulettes pas plus grandes qu'une bille. Brunies sur une poêle fabriquée d'une boîte de conserves, elles sont délicieuses et cotées comme les pommes de terre brunies dans le beurre au temps de jadis.

Dans la période hivernale la plus rude, on nous distribue du charbon de temps en temps. Ne vous faites pourtant pas d'illusions sur la quantité car, en épargnant soigneusement la totalité d'une distribution et en y ajoutant la seconde, de quelques jours plus tard, nous en aurons assez pour faire du feu pendant une heure ! Disons en passant qu'il n'est pas exceptionnel d'enregistrer ici des températures de 30 degrés sous zéro.

Dans le lavoir, entre les deux moitiés de la baraque, se trouve un feu sous une marmite d'une capacité de plus ou moins 200 litres. Il est défendu de s'en servir. Quelques uns ont réussi, à force de patience, de placer à mi-hauteur dans la cuvette, un filet en fil de fer. Ce faux fond solide peut supporter une cinquantaine de gamelles. On verse de l'eau dans la marmite jusqu'à mi-hauteur des gamelles dont une vingtaine d'exemplaires seront encore pendues à des crochets le long de la paroi intérieure de la cuvette.

Pour faire bouillir l'eau il faut savoir faire du feu pendant trois heures environ et il faut deux jours à cinquante hommes pour rassembler le bois nécessaire à cette opération. Chaque morceau de bois trouvable disparaît sous le sac à paille. Quand le stock: est estimé suffisant il ne reste plus qu'à attendre le moment favorable pour mettre les gamelles en place et allumer le feu. Il est étonnant de voir sortir des morceaux de bois de tous les coins et recoins de la baraque, pendant que deux hommes montent la garde à chaque entrée. De préférence le feu sera allumé le soir, en effet, la nuit il n'y a pas tant d'officiers au camp et, ce qui est très important, la fumée ne trahit pas l'opération.

Il est évident que les habitants des deux moitiés de la baraque sont au courant du fonctionnement de la cuisine. A l'entrée d'une patrouille, les cuisiniers sont immédiatement avertis tandis que d'autres font le nécessaire pour retenir les patrouilleurs pendant quelques minutes. Entre-temps le feu est éteint, les fenêtres ouvertes et quand les " Fritz " passent au lavoir ils y trouvent deux prisonniers des plus innocents occupés à laver leur mouchoir de poche!

Le "Jeu" ne se passe pas toujours comme il a été prévu. Lorsque le contenu de la marmite est découvert les coupables sont appelés à venir prendre leur bien mais .... Les dizaines de gamelles n'ont pas de propriétaire dans la baraque. Avec un "Donnerwetter" tintant les Allemands aplatissent les gamelles à coups de crosse et de botte suivi d'une série de menaces qui ne laissent pourtant plus aucune impression. Ce qui est plus pénible il faudra s'y mettre à donner à nouveau la forme d'une gamelle à ce morceau d'étain ou de zinc, et .... Cette bonne nourriture qui est perdue.

Bientôt dans tout le camp il n'y a plus un seul morceau de bois à trouver.

Les tentes sous lesquelles nous avions fait notre entrée au Stalag ont été enlevées à l'automne de 1940. Sur ce terrain sablonneux il ne reste que deux baraques WC. Ce sont des baraques en bois montées sur une fondation en dur, longues d'une dizaine de mètres pour une largeur d'environ la moitié. Déjà un peu délabrées, elles attirent bientôt l'attention des "chasseurs" de bois à brûler. D'abord une petite planche de l’intérieur, puis une seconde et une troisième, et cela continue jusqu'au moment où il n'y a plus que les parois extérieures. Une ou deux planches de la paroi arrière ne change en rien l'aspect de la baraque, et bientôt ce sont les deux côtés qui y passent.

Un beau jour, un coup de vent fait écrouler la baraque et ainsi même le toit est à la merci des "chasseurs" qui, il va de soi en profitent largement.

Comment nous parvenons à emmener tout ce bois jusqu'à l'intérieur de nos baraques sans être pris ? Pourtant il y a bien deux cents mètres de distance entre le terrain sablonneux et nos logements. Les planches d'une longueur de 3 à 4 mètres sont poussées dans le sable, quelques prisonniers font leur promenade apparemment innocente mais ils prennent soin de marcher sur la planche et toujours à la même place. Finalement le bois cède et les morceaux sont poussés lentement, par des coups de pieds, dans la direction des baraques.

Au mois de mars il ne reste que les fondations pour prouver qu'il y avait là des baraques dans le temps.

Un beau jour Bouboule requiert une corvée de 10 hommes, les baraques WC sur le terrain de sable doivent être démontées. Les hommes désignés savent très bien qu'il n'y a plus de baraques à démonter mais ils se rendent sur les lieux et y passent la matinée en flânant, sachant bien qu'un drame et toutes ses conséquences sont devenus inévitables.

Après-midi Bouboule va voir les travaux et n'y trouve ni baraques ni prisonniers au travail. Pâle de colère il va faire rapport au "Herr Oberst" qui décide : " Pour demain les baraques doivent être à leur place ou des mesures spéciales seront prises ".

Il n'est que midi quand les " Fritz " commencent les représailles. Par groupes de 20, ils foncent dans les baraques, retournent tout ce qui se trouve à l'intérieur et s'accaparent d'un tas d'objets comme lames à raser, porte-plumes, livres, pommes de terre etc…sauf.... les deux baraques, celles-là sont introuvables.

Une fois la fête de Nouvel An passée, il y a de nouveau du travail pour les " fabricants de balais ".

Le 29 janvier 1941, le thermomètre marque 28 degrés sous zéro ; le lendemain le mercure descend jusqu'à hauteur de 30 pour atteindre au 31 janvier la température la plus basse que nous avons connue, 31 degrés sous zéro.

Des oreilles et des doigts de pieds gelés sont à l'ordre du jour. A partir du 1er février nous voyons arriver des belges venant des Kommandos, s'agit-il des oubliés des transports de décembre ? Vraiment car le 8 février un convoi de 300 miliciens flamands quitte le camp. Bon voyage les gars, nous vous suivrons bientôt.

Les jours suivants d'autres belges rentrent au Stalag et un nouveau départ s'organise pour le 12 février. Un certain temps nous avons l'espoir que ces transports continueront au profit des belges, se rappelant des promesses Allemandes, hélas, les 570 partants du 12 février seront les derniers que nous verrons quitter Hammerstein.

Comme à chaque départ il y a quelques sous officiers de carrière qui ont réussi à se faire inscrire. Pourquoi ne ferait-on pas l'essai? Ils n'ont pas la chance de leur côté car un nouveau triage effectué au Stalag II a fait sortir nos 49 resquilleurs des rangs et via Hammerstein ils sont immédiatement expédiés en Kommando.

 

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