STALAG IIB   HAMMERSTEIN,   CZARNE en POLOGNE

CAMP de PRISONNIERS de GUERRE 1939-1945 en POMERANIE

 

MEMOIRES DE L'ADJUDANT  BAERT

 

 

 

 

 

 

HAMMERSTEIN XXI

 

Le Chef de gare " Herr Hoffmann " est l’homme de qui tous les prisonniers, aussi bien les Français que les Belges, garderont un bon souvenir. Il est anti-nazi jusque dans l'âme, sa plus grande satisfaction est de rendre service aux bagnards d'Hitler. En 1938 il a été condamné à 8 mois de camp de concentration, ce qui ne l'empêche pas de continuer la lutte contre le régime et la " Partei ".

 

La gare, isolée du restant du patelin, deviendra pour nous, au fil du temps, le centre de renseignements sur les opérations de guerre. Le chef de gare n'a pas d'amis parmi les indigènes, ils ont peur de passer pour l'ami d'un ....communiste. Le plus âgé de ses fils laissera la vie sur le champ de bataille de Williky Lucky en Russie, à la Noël 1942. Le second, appelé sous les armes à l'âge de 17 ans, tombera dans les combats lors de la retraite des troupes Allemandes en février 1945 près de la frontière Hongroise. En fin le troisième, Erich, 12 ans deviendra l'agent de liaison entre son père et les prisonniers.

 

Après des années de séjour dans ce village Poméranien il est normal que les habitants connaissent tous les prisonniers par leur nom et prénom. A la fin leur attitude envers nous devient plus souple et les contacts journaliers plus humains. Aussi le service de propagande se rend-il compte de cette situation et il ne manquera pas d'essayer de remettre tout dans le pli de 1940. C'est ainsi qu'un beau matin en 1942 nous voyons sur les murs des bâtiments tant privés que publics, des affiches.

Dans n'importe quelle direction où notre regard se dirige, partout nous lisons " Feind bleibt Feind " - ennemi reste ennemi -. Paysans et travailleurs qui, depuis de longs mois nous disaient leur " Guten Morgen " et qui risquaient de temps en temps une petite causette, tournent la tête à notre rencontre. Nous remarquons qu'à certains cela fait de la peine, ils en ont honte eux-mêmes, Mais ... ils obéissent et se répètent " Feind bleibt Feind ". L'Allemand d'ici ne se rend pas compte de la situation réelle, il ne voit pas I’erreur et la cruauté du régime Hitlérien, aveuglé comme il est par la propagande.

Un fonctionnaire du parti vient annoncer la mort d'un jeune homme, tombé en Russie. En pleurant la mère répond : " Unser Führer wird mit uns zufrieden sein " - notre Führer sera content de nous ....  je l'ai donné pour l'Allemagne.

Ici en Prusse, où la discipline brutale est d'actualité, Goebbels trouve un terrain Idéal pour son action de propagande. Les rares intellectuels sont payés pour se taire et pour plaire aux "grands" ils hurlent avec les loups.

Dans l'instruction des enfants à l'école on trouve ce qui est militaire et national-socialiste à la place d'honneur. Pendant mon séjour à Zamborst, notamment en 1944, j'ai réussi à me procurer les questions posées aux élèves de la 6° Année primaire, à l'occasion d'un examen de fin de trimestre. Les voici :

1.      Donnez les limites de la Grande Allemagne.

2.      Où et quand est né le Führer Adolf Hitler?

3.      Qui est l'officier de la Marine Allemande décoré par le Führer avec le "Eichenlaub   mit Schwertern" ?

4.      Quelques règles de calcul, multiplication, soustraction, etc…

5.      Rédaction, sujet : Un exercice en groupe de la jeunesse Hitlérienne.

Sans commentaires.

Au tableau, chaque matin (on lit ? partie déchirée) le communiqué du Grand Quartier Général du Führer." Aus dem Führer- Hauptkartier ", relatant les nouvelles du Front. Les commentaires sur ce communiqué constituent l’objet de la première leçon de la journée. Quand on tient compte des heures de cours, en été de 8 heures à 12 heures, en hiver de 8h30 à 12h30, et une longue période de suspension quand le travail sur les champs prime toute autre activité, on se fait facilement une idée de la matière absorbée par la jeunesse de ce coin maudit de l'Allemagne.

Mais, retournons vers ce 29 juin 1941. La voix hurlante de Médor nous éveille à 6 H avec un "Aufstehen" trop bien connu. Revenant à la réalité nous allons donc aujourdfhui faire connaissance avec le travail à Zamborst. Le "Ersatzkaffee" est réchauffé en vitesse. Médor enlève le verrou de la porte ce qui nous permet de nous laver dehors. Le temps de nous habiller et à 7 H précises Manneken Pis sonne la cloche. A l'appel pour la distribution du travail nous sommes alignés à côté des Français qui ont à leur droite les Polonais. Les Allemands se trouvent à l'extrémité, un peu à part, bien sûr ! Les jardiniers, les chauffeurs de tracteurs et quelques autres effectuant un travail fixe se dirigent directement vers leur travail. Ils restent dans les rangs à peu près 75 " Stück " comme on a l'habitude de dire ici. Les esclaves, les bons à rien et à tout.

Voilà le Singe qui s'amène, la canne dans la main droite, en conversation avec Manneken Pis qui, lui aussi, se sert d'une canne. Ils se placent devant la rangée avec un " Heil Hitler " vers les Allemands et un " Morgen " dans notre direction. Les vingt premiers pour les champs de la vallée, les dix suivants devant la gare, les cinq suivants dans les étables pour charger du fumier, les quinze suivants ... etc, etc,  jusqu'au dernier de la rangée. Les sentinelles Médor, et Pèlerin sont .prêts à partir et quand chacun a reçu son outil la colonne se met en marche. La cadence que nous entretenons n'est pas, bien sûr, celle d'une troupe en marche. Pour arriver aux champs situés à 3 Km de la ferme, nous mettons environ une heure et demie, ce qui ne nous empêche pas de parcourir la même route au retour en trois quarts d'heure.

Démarier les betteraves qui ont déjà une hauteur de 15 centimètres sera notre premier travail. Nous sommes placés sur une ligne devant ces interminables rangées de plantes desquelles chacun de nous en aura deux pour son compte. Nous, des non initiés dans les secrets du travail des champs, nous sommes mis au courant par Manneken Pis en moins de temps pour le dire. "Debout, rampez ou à genoux, cela est bien égal - laissez une plante tous les dix centimètres - los, los".

Poussant un soupir nous nous mettons à genoux pour commencer. Ce travail n'est pas lourd, nous disent les Français, mais monotone. Nous ne regardons pas de si près et plus d'une fois nous oublions la distance de dix centimètres. Médor nous suit sur les pieds et de temps en temps il essaie de nous agiter en criant quelques syllabes de son patois Prussien. Qu'il y ait un soleil brillant, que le ciel  soit sombre et gris, que nous soyons mouillés par une drache nationale, rien ne fera changer la décision prise au matin " Tous aux betteraves ". Mal au dos, mal aux hanches, est le plat du jour.

Le rendement du travail diminue au fur et à mesure que l'attention de Médor se dirige vers l'élément féminin. Manneken Pis nous enguirlande bien quelque fois, en criant qu'il a trouvé des longueurs de deux mètres où il n'y avait plus aucune plante, mais, nous prétendons qu'il a mal regardé.

Notre cuisinier Robert s'est tout doucement acclimaté, il commence à bien connaître les environs de la "piaule" et ... notre appétit, il fait des véritables miracles culinaires. Il trouve des pommes de terre en suffisance, et dire que les huit derniers mois nous n'en avions plus vu sauf quelques épluchures. Que nous en profitons ne doit sans doute pas se dire. La ration journalière de pain est fort petite, cela n'est pas tellement grave, nous mangeons des pommes de terre trois fois par jour. Le dimanche est un vrai jour de fête, au dîner des pommes de terre, légumes et un petit morceau de viande. Toutes ces bonnes choses mélangées en une bouillabaisse dans la casserole nous font oublier les fatigues de la semaine.

La matinée du dimanche est une demi-journée de travail fiévreux, nettoyage à fond de la piaule, épluchement de pommes de terre, casser du bois pour toute la semaine, nettoyage du WC fabriqué par nous même et tout autre travail qui soulagera notre cuistot pendant la semaine. Le dimanche est également, pour l'homme de confiance, le jour de la mise en ordre de la comptabilité du Kommando.

Après les corvées générales, nous attend le travail personnel tel qu'écrire la carte postale, se laver, soigner la chaussure, réparer les vêtements, repriser les bas, arranger le sac de paille, et un tas d'autres choses qui sont intimement liées à la vie d'un prisonnier en Kommando. Un belge est en général deux fois plus difficile sur toutes ces choses qu'un français. Quand nos voisins de l'autre côté de la cour finissent leur travail à onze heures, nous, nous en avons facilement jusqu'à une heure et parfois plus. La même soirée on ne voit plus rien de ce grand nettoyage, que voulez-vous, à dix dans une si petite cahute. La porte est fermée à 21 heures en été et à 20 heures en hiver. En été nous restons dehors jusqu'à la dernière minute car à l'intérieur il fait malsain.

 

Suite page 22

 

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