STALAG IIB   HAMMERSTEIN,   CZARNE en POLOGNE

CAMP de PRISONNIERS de GUERRE 1939-1945 en POMERANIE

 

MEMOIRES DE L'ADJUDANT  BAERT

 

 

 

 

 

 

HAMMERSTEIN XVI

 

 

Les jours se succèdent en une série interminable. Les hommes du "Besenstrauchkommando" quittent le camp tous les jours à 07.30 H pour se rendre dans la forêt.

Chaque matin, comme dans un film, les mêmes images se déroulent devant nos yeux. Nous savons déjà exactement combien de doubles pas qu'il faut faire entre la gare et la laiterie, combien de minutes nous marcherons de la Place du marché jusqu'à la lisière du bois. Nous savons quel jour se tient le marché à Hammerstein comme nous savons parfaitement que les mardis et vendredis il n'y aura pas de viande dans les étalages des bouchers, Nous savons qu'à tel coin de rue se trouvera un "Schupo" et au retour nous attendrons devant la barrière du passage à niveau où nous regarderons bêtement le train pour Neustettin.

Le gardien qui nous accompagne le lundi sera le même pour les 6 jours de la semaine. Si c'est une brute nous serons "vu" pour toute la semaine et au moins 20 fois par jour il nous traitera de tous les noms. Si c'est un jeune soldat qui n'a pas encore eu son baptême de feu il chargera soigneusement son fusil et il prendra bien soin de nous faire marcher tous les dix à une certaine distance devant lui.

Un indifférent nous est généralement le plus sympathique, lui au moins il ne nous posera pas des questions bêtes et il nous épargnera la corvée d'écouter ses explications pas moins bêtes.

Une seule fois nous aurons à faire à un homme digne de ce nom.

Le soldat d'infanterie Ernst Winter, dans la vie civile propriétaire d'une petite ferme aux environs de Stettin.

C'est un homme paisible et de bon coeur. Sensible à tout ce qui pourrait nous influencer, surtout du côté moral, il essaie de nous rendre des petits services à chaque occasion. A la seconde journée de sa garde nous remarquons qu'il porte sa besace. Une fois arrivé dans le bois il nous rassemble et il vide le contenu sur sa toile de tente. Du pain plein la besace, tout ce qu'il a pu ramasser au corps de garde, restants de pain, marmelade et margarine il nous l'apporte. Au fait cela constitue pour nous plusieurs rations de pain supplémentaires.

Un beau jour il nous arrête devant un petit magasin. Il y entre en vitesse et quelques secondes plus tard il en ressort en souriant. Une fois les dernières maisons du village passées il vient marcher à côté de moi et me montre un paquet de cigarettes. Voilà, dit-il, maintenant vous pourrez fumer une cigarette quand nous serons arrivés à destination. Il réussira à se faire attribuer notre surveillance pendant 3 semaines.

A chaque départ au matin et en présence du chef de poste, la sentinelle doit charger son arme. Souvent lorsqu'on rencontre un officier dans le village, le groupe doit faire halte et le gardien doit montrer son arme. Malheur à ceux qui oseraient conduire un groupe de prisonniers sans avoir le fusil chargé !

Depuis la deuxième semaine Ernst Winter décharge son arme devant nous une fois les dernières maisons d'Hammerstein passées. Il le fait avec un certain cérémonial en nous disant : "Vous n'êtes pas des assassins non? Vous vous êtes battus contre nous parce que nous avons attaqué votre pays. Autant qu'il me sera possible je réparerai ce crime".

Pendant le travail dans le bois il pend son fusil à une branche d'arbre et se promène à son aise sans s'occuper de nous.

Une fois il dépasse toutes les bornes, quand sa femme est venue lui rendre visite.

Elle loge à Hammerstein et attend son mari sur le parcours vers la forêt, elle nous suit à une certaine distance mais une fois dans le bois elle nous rejoint. Le gardien me remet son fusil en demandant de le conserver jusque 1100 heures, le moment de se rassembler à la lisière du bois pour entamer le chemin de retour.

A nos grands regrets Winter sera remplacé la quatrième semaine par un véritable Prussien. Cette négligence agréable et ce sentiment de liberté sont bien vite remplacés par une discipline brutale.

 

"Bouboule" qui nous remet tous les jours notre "bon" pour la soupe trouve que c'est une perte de temps et il change de système. Le lundi nous recevons une série de 7 billets pour la semaine. Il est tout naturel que nous examinions la possibilité de tirer un maximum de profit de ces 7 billets. Nous ne résisterons pas longtemps à la tentation et un certain jour nous remettons à la cuisine un "bon pour 20 rations" au lieu des 10 de Bouboule.

Le surveillant de la cuisine tombe dans le piège, figurez-vous, nous avons maintenant triple ration. Plusieurs camarades partagent nos rations et nous parvenons même à en conserver un peu pour le soir. Nous rigolons pour ce "truc" simple et facile. Et qui découvrira le faux ? Oui, qui ? Pour la cuisine il ny a que la signature de Bouboule qui compte et lui même ne vient jamais à la cuisine, alors ?

Hélas, des belles chansons ne durent pas longtemps. Un beau midi nous glissons le billet sur la planche du guichet de la cuisine, dans la main de .... Bouboule. L'engueulade et les 3 jours de cachot pour le responsable ne se font pas attendre.

Contre toute attente la punition terminée il nous laisse continuer le travail, avec ....  Double ration.

 

Pendant les mois de mars, avril et mai 1941 la chasse à l'homme dans le Stalag bat son plein. Les Allemands veulent envoyer en Kommando tous ceux qui n'ont pas 45 ans, et cela à tout prix. Chacun cherche mille et une excuses de se soustraire le plus longtemps possible au travail forcé.

Par nos promenades journalières au bois, on nous laisse provisoirement la paix.

Nous voyons maintenant tous les jours des petits groupes de belges et français qui partent vers une destination inconnue.

Le nombre de prisonniers dans le camp diminue visiblement.

Le premier avril, la couche de neige épaisse de 20 cm durcie la nuit sous une température de 10 degrés sous zéro. Le 18 mai est la première journée où nous ne trouvons plus de neige dans la forêt. Il est difficile de se faire une idée de la peine et du chagrin qu'était notre sort pendant ces longs mois de ce premier hiver en captivité.

Des dizaines de prisonniers ont dû se faire soigner à cause des oreilles et doigts de pieds gelés. Ces parties du corps devenues blanches ont été frictionnées d'une matière grasse ce qui constituait à peu près tous les soins qu'on pouvait espérer.

Le 17 avril 1941 un convoi de 1245 prisonniers Français arrive à Hammerstein, en pleine tempête de neige. Ces gars connaîtront deux fois le printemps en 1941, en effet, à leur départ d'un camp en France le printemps y avait déjà fait son apparition.

Habitués à la vie dans un camp français, jetés à l1improviste dans l'enfer Hammerstein, aucun n'échappera à la chasse à l'homme et à peine trois jours plus tard ils sont tous partis en Kommando.

 

Des bruits circulent comme quoi bientôt 14000 Yougoslaves arriveront au Stalag II B.

Aujourd'hui, comme d'habitude, des centaines de morceaux de linge sèchent au fil de fer barbelé de la clôture intérieure du camp. Jusqu'à présent il n'était pas défendu de sécher son linge à l'extérieur, d'ailleurs la seule bonne méthode pour congeler les poux.

Grande est notre surprise lorsqu'on voit des sentinelles s'installer devant notre linge en nous défendant de l'approcher.

Une corvée de 20 prisonniers armée de pelles et pioches doit creuser une fosse dans laquelle ils devront jeter le linge.

On les oblige de recouvrir le tout d'une couche de terre. Décrire nos sentiments à la vue d'un tel acte de vandalisme, n'est pas possible. Du linge, déjà si difficile à trouver pour la plupart , envoyé par nos familles de Belgique, au prix de combien d'efforts, est détruit cyniquement par une bande de crapuleux, et pourquoi?

Bien simple, parce qu’il leur plaît d'agir ainsi, pour nous mater, pour nous prouver qu'ils sont les plus forts.

 

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